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Ce que nous devons aux '' Lumières '' -1/.-

Publié le par Perceval

Ce que nous devons aux '' Lumières '' -1/.-

Nous allons revenir au Mythe du Graal ; mais avant nous chercherons des ''Lumières'' en philosophie...

L'enjeu de ma réflexion, résumée dans ces articles, c'est que nous puissions valider divers moyens de connaître le Monde.. Et avec la légitimité de la raison, puisque nous sommes là au ''siècle des Lumières''.

Tentons de montrer que le mythe, la religion, peuvent être des supports de connaissance aux mêmes titres que d'autres sciences … La raison, reste notre outil privilégié, et permet la ''dispute'', la ''conversation'', l'argumentation ; en fait les échanges pour affiner notre réflexion...

Au XXIe siècle, nous en sommes à retrouver le scepticisme de Hume : nous avons un doute sur l'objectivité même des sciences...

Rappel du XVIIIe siècle, - le point de vue de David Hume (1711-1776)  : toute connaissance est une accumulation d’expériences sensibles, de sensations, de passions et d’émotions. De là nous fondons des idées, associations de connaissances à base de mémoire et d’imagination. Autant dire que rien n’est objectif dans tout cela : pour Hume, la connaissance est équivalente à la croyance. Elle peut avoir une utilité pour l’action, mais ne dit rien du réel. La vérité nous échappe en tout.

 

Pour Kant (1724-1804):  nous n’avons accès qu’aux phénomènes, pas aux noumènes ; seulement aux choses telles qu’elles s’offrent à nous (et dans la limite de notre entendement), pas aux choses en soi.

Ne peut-on pas dire avec Kant, que l'homme est prisonnier de sa subjectivité et ne peut donc atteindre à la vérité ?

 

Cependant, si la science n'est pas plus légitime que la philosophie pour dire la Vérité ; il nous faut quand même, avancer avec notre raison ; et faire confiance... Nous continuons à prendre l'avion, et utiliser notre GPS... Et d'autre part, être totalement relativiste, nous amènerait à mettre sur le même plan toute théories : complotistes, négationnistes, populistes ...etc

Hume, l'avait déjà remarqué : au plan strictement logique le relativisme absolu est intenable : si je conclus qu’on ne peut rien savoir de façon certaine, alors je ne sais pas si cette conclusion est certaine !

 

La science, elle, ne peut parler que de ce qu'elle peut appréhender : ce qui est objectivable... Elle ne peut pas affirmer que ''seule la matière existe '', car ce n'est pas vérifiable … La science est agnostique ( et non athée)!

 

Alors... Comment peut-on connaître '' Le Monde'' … ?

Par l'intelligence, l'intuition, l'imagination … ?

J'admets que la voie scientifique, ne peut être le seul chemin... Ce serait faire comme ce personnage qui a perdu ses clefs, et, qui ne les cherche qu'en un seul endroit - sous le lampadaire -  : là où il y a de la lumière ( la science)...

Je peux également affirmer : qu'un médecin ( et sa science) seul, ne peut me connaître...

 

Par expérience, dans la vie quotidienne je sais aussi que « dans la vie d’un homme, les vérités simplement crues demeurent beaucoup plus nombreuses que celles qu’il acquiert par sa vérification personnelle » ( J.P. II, Fides et Ratio)... Nous croyons - souvent - par délégation...

Bref ! La science n'a pas le monopole de la connaissance du réel ….

Allégorie de la Logique

 

Kant, nous propose de faire usage de la raison théorique, et pratique … Je peux ( je dois...) réfléchir au Juste, au Beau, au Bien, et au Vrai .. Donc, sans faire uniquement de la science, et en utilisant ma raison ...

 

La religion (idéale...) admet l'usage de la raison ; à la différence de la superstition...

 

La science n'a pas la possibilité de parler d'un univers fini ou infini, de parler d'avant le premier instant... Et croire en Dieu, c'est refuser l'irrationnel dans l'apparition d'un chat noir, ou la conjonction du vendredi et du nombre 13... La superstition est bien souvent une sorte de matérialisme irrationnel... Comme dans la magie, il y a dans la superstition une sorte de ''toute-puissance'' de l'humain...

 

La religion s'inscrit dans la communauté humaine, elle exprime une culture. Les religions sont diverses, chacune a une histoire. Aucun peuple, aucune religion n'est supérieure à un(e) autre.. La religion tente d'apporter des réponses aux questions métaphysiques.

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Le XVIIIe s. : La nature humaine, la conversation et David Hume. -3/.-

Publié le par Perceval

David Hume (1711-1776) par Louis Carrogis

David Hume désire construire une " science de la nature humaine ", sur le modèle de la philosophie naturelle de Newton, et ne peut se passer de prendre en compte la différence qui partage cette nature en deux, hommes et femmes.

Cette science nouvelle, est définie par une critique intégrale du doute et du dogmatisme, avant même d'établir les bases d'une vraie métaphysique sur la nature humaine.

 

Que nous dit Hume ?

A l'origine de nos connaissances, sont nos perceptions. Hume appelle perception « tout ce qui peut être présent à l’esprit, que nous utilisions nos sens, que nous soyons mus par la passion ou que nous exercions notre pensée et notre réflexion » .Cette perception par les sens, donne des impressions et des idées ...

Que valent ces connaissances ?

Nous avons tendance à qualifier de ''lois'' ce que nous observons, par exemple :

- Nous constatons par ''expérience'' certaines répétitions constantes. Et bien l'importante loi de causalité dérive de l'expérience de successions répétées. Est-ce légitime … ?

« une boule de billard touche une autre boule de billard, celle-ci se met en mouvement, et la première arrête son mouvement. » Une fois, dix fois, cent fois … Oui, mais … Pourquoi cela serait-il toujours ainsi … ?

Hume - ''le sceptique'' - questionne cette '' relation de cause à effet '' qui fonde notre vision du monde...

Il nous semble que la véritable cause est toujours contiguë à l'effet. Mais contiguïté n'est pas causalité.. ! Un fait peut précéder un autre sans que nous le tenions pour sa cause.

La poule, constate, chaque matin, quand elle voit le fermière venir vers elle, que c'est pour lui donner à manger … La poule pourrait ainsi en établir une loi, et même se faire un jugement de bienveillance envers la fermière... Et, un jour, le seul... La fermière vient, non pour la nourrir, mais pour lui tordre le cou ...

 

Notre raison, attribue une nécessité logique, à des phénomènes qui se reproduisent … Il en ainsi est de sa nature, (ou de son éducation?): nous pouvons seulement dire qu'il s'agit d'une croyance..

Un chat qui voit passer devant lui une balle aura tendance à lui courir après ; un humain aura tendance à chercher d'où et comment vient-elle … ?

La raison, ne nous délivre pas de la croyance...

L'imagination est aussi une opération de l'esprit sur les objets de l'expérience ; même si nous parlons alors de fiction...

Le sentiment religieux se fonde aussi sur l'expérience humaine. La crainte et l'espérance, la joie et la douleur, le sublime...etc

En ce siècle, où tant de nouvelles questions émergent ; certains trouveront les biais pour valoriser la raison, d'autres ne craindront plus d'imaginer et de poser de nouvelles règles pour penser … Bien sûr, nous savons que la Raison s'imposera... Que se serait-il passé si tel n'avait pas été le cas .. ?

C'est la lecture de David Hume, qui permet à Kant de sortir de « son sommeil dogmatique » et de poser les bases de la philosophie contemporaine. :

Les lois qui régissent les choses et leurs événements, les causes et leurs effets, d'une réalité qui semble s'imposer à nous : la nature de l’espace et du temps. 

L'espace et le temps sont des formes à priori de notre sensibilité . L’espace et le temps n’existent pas réellement. Espace et temps ne relèvent pas des choses elles-mêmes, mais de l’esprit.

On ne peut connaître les choses en soi : on connaît seulement les phénomènes...

 

Quand nous nous demandons si le monde est fini ou infini, nous nous interrogeons sur un Tout dont nous ne formons qu'une infime partie.. Nous ne pouvons faire l'expérience de la totalité …

De même nous pouvons tout autant affirmer que ''l'univers'' a commencé un jour ou qu'il a toujours existé …

 

La foi est tout aussi légitime que la Raison ...

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Le XVIIIe s. : La nature humaine, la conversation et David Hume. -2/.-

Publié le par Perceval

Chez le prince de Conti, au Temple, Marie-Charlotte Hippolyte de Boufflers servant le thé à l'anglaise dans le salon au Quatre Glaces

Chez le prince de Conti, au Temple, Marie-Charlotte Hippolyte de Boufflers servant le thé à l'anglaise dans le salon au Quatre Glaces

Je reviens à David Hume, qui va marquer de sa pensée, notre trio : de la Bermondie, d'Oisemont et Sinclair, toujours en recherche de nos fameux templiers, et à l’affût de ''nouveautés'' qui pourraient faire réapparaître le lien perdu et faire advenir une résurgence de l'Ordre disparu …

 

Le temps est aux ''nouveautés'' et David Hume est devenu l'idole des salons, en particulier celui de la très anglomane Comtesse de Boufflers (il parlait bien le français l'ayant étudié pendant trois ans à La Flèche). Hume est célèbre en France par ses ''Political Discourses'' aussitôt traduits en 1752, à la fois comme historien et comme philosophe. Quand il reviendra à Londres en 1766, il emmènera avec lui J.-J. Rousseau...

M.-Ch. H. de Boufflers peinte par Carmontelle

 

La Contesse de Boufflers (1724-1800) est la maîtresse du Prince de Conti : Femme brillante, spirituelle et sensuelle, elle est célèbre pour sa beauté et son esprit ; célèbre salonnière et femme de lettres française, elle est adulée et courtisée. Le comte de Tressan écrira sur elle cette épigramme : 

«Quand Boufflers parut à la Cour 
On crut voir la reine d'amour 
Chacun s'empressait de lui plaire 
Et chacun l'avait à son tour.
»

Et, son épitaphe ( par elle-même) est éloquente :

« Ci-gît dans une paix profonde,

Une dame de volupté
Qui, pour plus de sécurité,
Fit son paradis en ce monde.
»

 

On peut dire que la Révolution sera la fin d'un certain ''âge d'or'': celui du '' doux commerce des sexes'' – comme l'on disait - magnifié dans les «salons» où s'épanouissaient les personnalités féminines les plus fortes.

 

Je parlais d'anglomanie ; en effet les Anglais, avec Locke et Newton, se sont affirmés comme les maîtres à penser de l'Europe en ce XVIIIe siècle... De plus, politiquement: la théorie de la séparation des pouvoirs, invite à une réflexion sur la démocratie. Dès 1694, La Fontaine, lui-même eut la tentation de l'Angleterre : le Renard anglais, note comme une vérité incontestable : « Les Anglais pensent profondément, / Leur esprit, en cela, suit leur tempérament... »

 

Les salons sont « les Etats Généraux de l'esprit humain » c'est la définition que donne Hume du salon de madame Helvétius... Le salon donne à la monarchie civilisée française une harmonie intellectuelle et morale qui est l’œuvre même des femmes, fédératrices des opinions et dignes en cela, comme le voulait Morellet, d'une célébration publique ...

Portrait d’Anne-Catherine de Ligniville, Mme Helvétius

Anne-Catherine Helvétius ( 1722-1800) réunit d'abord rue Sainte-Anne puis, à partir de 1772, en son hôtel du 59, rue d’Auteuil, un cénacle appelé « société d'Auteuil » ; tous les écrivains, artistes et scientifiques ont fréquenté ce salon … Benjamin Franklin, lui fait sa cour en vain... et elle tient Cabanis comme son fils adoptif … On la dit affiliée à la loges des neuf sœurs..

 

David Hume, encore : « Les femmes étaient les souveraines du monde, de la conversation et de l’érudition. » Dans le même sens, Chantal Thomas, spécialiste du XVIIIe siècle, écrit : « Il y a quelque chose de fantastique, de surréel dans la représentation, soir après soir, et à heures fixes, en plusieurs hôtels parisiens, d’un spectacle centré sur l’art de la conversation. »

 

L'élite britannique se détourne à cette époque de l'université pour chercher son instruction dans '' la conversation ''qu'elle considère comme le ''grand livre du monde ''…

Jean-Jacques Rousseau fait la lecture devant Madame Dupin

Et la ''politesse '' : ingrédient nécessaire d'une culture civilisée est l’élément dans lequel se meut la pensée de David Hume ; en opposition à la manière scolastique... La ''politesse'' renvoie au raffinement des manières et au développement des arts, sciences et lettres … La politesse est essentiellement un art de la conversation qui inclut les règles de galanterie ( relation entre hommes et femmes)...

c'est ainsi qu'en 1798, Kant – lui-même écrit : « La nation française se caractérise entre toutes par son goût de la conversation ; elle est à ce point de vue un modèle pour les autres nations... »

Pour être validées, les productions de l'esprit ( sciences, arts et lettres) doivent passer par leur réception au sein de la société...

 

* Tout ça, pour arriver à la pensée de David Hume, que nous dévoilerons la prochaine fois …. - A suivre...

Benjamin Franklin à la cour de France

Benjamin Franklin à la cour de France

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Le XVIIIe s. : La nature humaine, la conversation et David Hume. -1/.-

Publié le par Perceval

Le XVIIIe s. : La nature humaine, la conversation et David Hume. -1/.-

Il ne sert à rien de philosopher sans les femmes ...

 

Selon Horace Walpole (1717-1797), trois choses sont à la mode « le whist, Clarisse Harlowe et David Hume »

 Horace Walpole, noble et homme politique anglais qui fut l'ami intime de Mme de Tencin, se fait ainsi construire un château de style médiéval sur la colline de Strawberry Hill. Le premier, Walpole va réunir les ingrédients du roman gothique historique dans ''le Château d'Otrante'' paru en 1764 : action située dans le passé mythique des croisades, décor médiéval, présence du surnaturel, personnages contemporains victimes des mystères du passé.

Clarisse Harlowe, est un roman épistolaire anglais de Samuel Richardson publié en 1748 ; l'héroïne fut une référence pour les écrivains du XVIIIe.. Lovelace, l’infâme séducteur précéda Valmont...

David Hume

David Hume (1711-1776), le grand philosophe écossais est francophile, ce qui ( pour un anglais) double sa faute d'être écossais …

De plus, il est ''sceptique''... et l'université bigote lui refusera un poste de professeur …

Auparavant, en conclusion d'une jeunesse studieuse, mais rétive, il part en France... A La Flèche, de 1735 à1737, il rédige le Traité de la nature humaine, dont les deux premiers livres sont publiés en 1739. C'est un échec. Il rentre à Ninewells. Portant, il vient d'écrire – très jeune - un chef-d’œuvre : il y a peu d’exemples d’une telle précocité en philosophie et, à ce degré de génie, peut-être aucun.

En 1745, il trouve un emploi d' "homme de compagnie" auprès du jeune marquis d'Annandale dont l'état mental se dégrade peu à peu.

De 1746 à 1749, il est secrétaire particulier du général Saint-Clair, qu'il accompagne dans ses voyages.

Le Général James Saint-Clair (1688-1762) ( de Sinclair, Fife et Balblair, Sutherland.) appartient bien-sûr au clan ''Sinclair'', et en 1735, St Clair achète le château de Rosslyn , qu'hériteront plus tard les héritiers masculins de ses sœurs. À la mort de son frère aîné John St Clair en 1750, il lui succède en tant que lord Sinclair , mais n'assumera jamais le titre, préférant conserver son siège à la Chambre des communes.

C'est sans-doute, lors de son passage à Paris que ''notre ''Sinclair et ami de J. L. de la Bremontie, rencontre le général Saint-Clair, et David Hume...

David Hume, rencontrera à nouveau, nos amis lors d'un séjour beaucoup plus long, alors qu'il est au ''sommet'' de sa renommée d’historien et d’essayiste, de 1763 à 1766. À l’époque, c’est en France qu’il est le mieux accueilli : « ici je ne bois que du nectar et marche sur des fleurs », confie t-il.

En effet, Hume accompagne alors en France Lord Hertford, nouvel ambassadeur dont il est le secrétaire.

« La France est le pays des femmes. » dit David Hume.

Les voyageurs étrangers, quand ils arrivent en France, sont frappés par la ''facilité'' des relations entre les deux sexes. Cet art de vie ensemble, est appelée alors la galanterie. On considère qu'en France hommes et femmes sont '' activement mêlés''...

En Italie, la présence de chevaliers servants, les fameux sigisbées, empêchent d'avoir accès aux Florentines de la bonne société, ce dont les voyageurs français se plaignent …

Parmi les règles de galanterie de ce XVIIIe siècle, et c'est Mme de Genlis qui le souligne: c'est celle de ne jamais placer les gens à dîner. Sauf chez quelques bourgeois cérémonieux ou dans les réceptions officielles de la Cour, on laisse, dans la société, celle des salons, les convives s'asseoir en toute liberté afin que les deux sexes puissent se fréquenter selon leur humeur.

 

Le célèbre salon bouton d'or de Madame du Deffand est un salon où seul l'esprit le plus raffiné a ses droits, et où se mêle harmonieusement le savoir-vivre aristocratique et le goût littéraire.

Des écrivains célèbres, Voltaire, Montesquieu, Marmontel, La Harpe, Marivaux, Sedaine et Condorcet peuvent y rencontrer les Anglais de passage à Paris comme Gibbon, Hume, Lord Shelburne et Horace Walpole. Une femme de lettres britannique, comme la vertueuse Hannah More, est choquée de savoir qu'en France une Mme Deffand, séparée de son mari, et affichant paisiblement ses liaisons, est cependant reçue dans la meilleure société parisienne...

Et, Hume regrette qu'à Londres, on claquemure les femmes, et dans cette société ''convenable'' on n'y trouve ni plaisir ni politesse, et pas davantage le sel de la raison … ( cf Les Mots des femmes: Essai sur la singularité française, Par Mona Ozouf )

A suivre ...

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Les Lumières et ''les Mondes Possibles''

Publié le par Perceval

Les ''Lumières '' du XVIIIe siècle, ouvrent des portes... Même si les grands esprits de l'époque n'ont prévu ni la Révolution, ni ses conséquences, ni le romantisme, ni les idéologies du XIXe s., ni leur application au XXe s...etc ; malgré cela, ces portes ouvertes permettent de rejoindre les questions essentielles sans la censure catholique romaine ou française …

- Pourquoi y a t-il quelque chose, plutôt que rien ? Pourquoi ce monde existe ?

 

Ce monde a été possible. Mais, est-ce le seul ? Est-il le meilleur des mondes possibles ?

Gottfried Wilhelm von Leibniz (1646 1716)

Pour Leibniz, Dieu crée en fonction du Bien, du Beau, du Vrai... Donc, il crée le meilleur des mondes possibles. Notre vison du Monde doit donc satisfaire les nécessités d'une physique mathématisée ( et déterministe) et la présence du Mal ( métaphysique)...

Bien sûr, nous savons avec Kant, qu'il faut distinguer le monde observé du ''monde en soi'' … Limitons notre connaissance à ce qui connaissable … !

Note : Gottfried Wilhelm von Leibniz (1646 1716) est un philosophe, métaphysicien hors pair, esprit baroque, fin diplomate, polyglotte (il écrit aussi bien en français qu'en latin ou en allemand), et bien sûr scientifique, mathématicien en particulier : il invente le calcul infinitésimal (calcul différentiel et calcul intégral) .. Leibniz a marqué son siècle.

 

Mon objectif serait de faire le lien entre cette possibilité d'autres ''mondes possibles'' ; et la tradition féérique d'un '' autre Monde'' que la mythologie littéraire a décrit dans les contes et la légende arthurienne...

de Nicolas Bion (1652-1733)

« […] la subcréation féerique promeut à l’existence des mondes possibles qui ne sont pas celui où nous vivons, et que pense la philosophie – mais […] ces mondes manifestent de troublantes affinités avec notre monde, pour peu que nous percevions en celui-ci la suspension de son sens au problème eschatologique. […] la poétique de la féerie autorise […] une herméneutique des dernières choses.

Extrait de « Anges et hobbits : le sens des mondes possibles », par le Père Jean-Yves Lacoste ( agrégé, docteur en philosophie et théologie.). On peut s'interroger :

- Le réel (notre monde) pourrait-il abriter du mythe devenu fait ? Réciproquement, peut-on réécrire sur un mode mythique ou féerique ce qui a eu lieu dans notre monde seul réel ?

- La littérature féerique parle à l'imaginaire. Elle peut aussi avoir la force de structurer l'imaginaire.

Elle peut introduire un travail sur l'imaginaire qui le prépare à faire sien le monde de la Bible...

Ce sont les questions que se posent  Jean-Yves Lacoste , aussi professeur invité à l'Université de Chicago...

la Théodicée de Leibniz ( 1710)

Il faudrait continuer la réflexion, avec les philosophes du XVIIIe...

Comme nous l'avons vu, en ce siècle, la limite entre imagination et réalité n'est plus sûre... Et l'on attend pas qu'un gendarme ( l'Eglise) nous la définisse... Aussi, les ''faux sorciers ( mages) '' sont une caractéristique de ce siècle des ''Lumières''.

 

Malgré tout, je tente de prendre une porte ouverte par ''les Lumières'' qu'elles ont semble t-il refermée bien vite... C'est d'ailleurs ce que leur reproche Régis Debray dans ''Aveuglantes lumières'' (2006) :

Fontenelle. Entretiens sur la pluralité des mondes

« les Lumières, en dépit de notre triomphalisme et de notre ethnocentrisme glorieux, ont des zones d'ombre capitales : le religieux, l'imaginaire, le sentiment du collectif, notre rapport à la mort, à l'animalité… » «  je crois, avec Merleau-Ponty, qu'il faut inventer un nouveau rationalisme qui permette de penser l'irrationnel, qui donne raison de la déraison »

Irait-il jusqu'à dire que la "raison" est peu de chose, comparée au "mythe" et aux "facteurs émotionnels" de l’action ?: « Ce n’est pas la science, mais une croyance fût-ce en la science elle-même qui soude une communauté de destin. » ?

 

Pour conclure, provisoirement :

Je passe allégrement du XVIIIe au XXe siècle :

Le Conte fait appel d'abord à notre sensibilité, puis à notre intelligence...

« On voit d’abord le Graal, puis on le cherche »  Simone Weil, Cahiers, tome 3, Paris, Gallimard, 1975, p. 282.

« Toutes les légendes sont vraies. Ce ne sont point des faits, ce sont des pensées » d' Alain, Propos, v. 2. ' la Pléiade' 1970), #555, p. 816.

 

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La Raison et la Gnose - Du Moyen-âge aux Lumières du XVIIIe s

Publié le par Perceval

Le Corpus hermeticum constitué au XIe siècle, et qui rassemble des textes grecs, écrits au cours du IIe  et du IIIe siècle, met en scène Hermès Trismégiste et/ou ses disciples et propose une voie de sagesse mêlant traditions grecque et égyptienne. Le premier livre d'Hermès s'appelle Poïmandrès

« que veux-tu entendre et voir, que veux-tu apprendre et connaître ? Je veux, répondis-je, être instruit sur les êtres, comprendre leur nature et connaître Dieu »

 

La gnose c'est d’abord une recherche de la connaissance des êtres, de Dieu, de l'univers, de la compréhension du monde, qui s'adresse à tous, pas seulement aux clercs, pas seulement aux intellectuels, mais à tout le monde. Elle ne propose pas, et n'a jamais proposé dans toute son histoire millénaire, de réponses toutes faites et des révélations. Elle fonde la compréhension de ce que nous vivons, entendons ou lisons sur le symbole, l’expression symbolique. Enfin et surtout c'est une quête de l'unité, l’Un et le Tout, on l'appellera comme on voudra, quête de ce qui nous transcende, l'Univers, le Divin, quelque fois on ne trouvera aucun nom, dans la plus grande liberté.

 

La gnose est ici ( et la plupart du temps, l'Eglise a préféré entretenir l’ambiguïté...) à différencier du dualisme de certains gnostiques qui considèrent deux divinités en conflit, le dieu du bien face au dieu du mal ...etc)

La gnose rejoint au XVIIIe siècle, ce que les francs-maçons écossais nomment la Vérité... Elle est cette connaissance qui va au-delà du voile de la matière et qui nous fait passer de la matière à l'esprit, de l’équerre au compas, qui cherche à voir avec l'œil de l'esprit ( du cœur, de l'âme et de l'esprit) au lieu de voir simplement avec les yeux physiques.

 

Cette Vérité est inaccessible dans sa totalité... Dans cette quête, doit-on quitter le domaine de la raison ? Non pas, si nous regardons derrière le voile du matériel, qui fait partie du réel, et répond donc à une logique.

Au XVIIIe Kant choisit de s'en tenir à la pensée logique, et qui peut s’appliquer à toutes sortes de réalités...

Emmanuel Kant (1724-1804)

La condition essentielle pour partir en quête de la Vérité, est de conquérir notre liberté. Si nous ne sommes pas libres de voir, de discerner, de connaître, comment pourrons-nous nous approcher de la Vérité ? Emmanuel Kant le dit en 1784 dans un raccourci magnifique : « Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement ! Voilà la devise des Lumières », et il ajoute « Les Lumières, c’est la sortie de l’homme hors de l’état de tutelle dont il est lui-même responsable. L’état de tutelle est l’incapacité de se servir de son entendement sans la conduite d’un autre. On est soi-même responsable de cet état de tutelle quand la cause tient non pas à une insuffisance de l’entendement mais à une insuffisance de la résolution et du courage…».

 

Si le XVIIIe siècle, se verra le témoin de la victoire des ''Lumières'' contre l’obscurantisme religieux... Une tendance de ces Lumières, continuera à se considérer comme religieuse...

Partons sur cette voie:

Depuis 1700, pas moins de 15 volumes sur l'histoire des ordres religieux, monastiques militaires et chevaleresques sont édités en Europe, plus de la moitié des écrits alchimistes ont été écrits dans la 2ème partie du 17e siècle.«Pierre Dupuis (1700) :Traité concernant l’histoire de la France, l’Ordre du Temple. Gurtler (1703) : Historia templarorium. P.Heylot (1714) : Histoire des Ordres religieux monastiques et religieux, 8 vol. Honoré de Ste Marie (1718) : Dissertation historique et critique sur la chevalerie ancienne et moderne, séculière et régulière. Basnage (1721) : Histoire des ordres Militaires ou des Chevaleries, des milices séculières et régulières, Abbé Roux  (1725): Histoire des 3 Ordres réguliers et militaires des Templiers, des Teutons, Hospitaliers ou Chevaliers de malte. Abbé Vertot (1726) Histoire des Chevaliers Hospitaliers de St jean de Jérusalem. 1.5 vol sur 4. )

 

En 1728 : le chevalier Ramsay (1686-1743), l’ami de Fénelon et le protégé de Madame Guyon, crée les hauts grades écossais. Il fait provenir la dénomination « Loge de St Jean » de l’Ordre de St Jean de Jérusalem, dénomination tardive de l’Ordre de l’Hôpital, héritier des bien temporels des Templiers, et il associe les 3 degrés de la Maçonnerie aux 3 rangs des Ordres Religieux comme l’Ordre du temple.

Après un millénaire ( au moins...) d'ignorances et d'interdits théologiques ; on n'hésite pas à s'interroger sur tout, et sans trop de méthodes : sur la réalité des sirènes, ou sur la possibilité des cailloux de se reproduire … mais aussi sur l'électricité, les observations au microscope, les études systématiques des animaux et leur classification...

L’organisation des savoirs n'était pas celle d'aujourd'hui, ni celle que vont tenter d'organiser les ''Lumières'' du XVIIIe. Au début du XVIIe siècle, l’approche mathématique du mouvement des planètes peutt bien s’accompagner, chez Kepler, de la croyance en une âme du monde.

Si la gnose est censée, par ses détracteurs, être ésotérique donc réservée qu'aux initiés.... Sachons, que le mot Ésotérisme est récent … Au XVIIIe siècle était appelé ' ésotérique ' l’enseignement philosophique oral de Pythagore ou de Platon supposé destiné à un groupe restreint de disciples.

« la connaissance est ce qui permet de s’assimiler autant qu’il est possible à Dieu, ce qui implique d’être juste et saint avec l’aide de l’intelligence » Platon (Timée 72b).

Le Triomphe de la Raison et de la Vérité - la Philosophie sous la figure de Jean-Jacques Rousseau découvre à l'Univers la Raison et la Vérité,

Le Triomphe de la Raison et de la Vérité - la Philosophie sous la figure de Jean-Jacques Rousseau découvre à l'Univers la Raison et la Vérité,

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Le monde de la magie au Moyen-âge : -3/.-

Publié le par Perceval

Dans le roman ''Yvain '', le merveilleux accroît son pouvoir magique...

John William Waterhouse - Morgane

Morgane, la fée, fait administrer à Yvain un onguent qui lui vaudra le surnom de 'la sage'. C’est un véritable médicament, capable de guérir la fièvre : «[...] d’un oignemant me sovient/ Que me dona Morgue la sage ;/ Et si me dist que si grant rage / N’est an teste, qu’il ne l’en ost. »

Morgane est savante chez Geoffroy de Monmouth (Historia Regum Britanniae) ; chez Wace (le Roman de Brut) et dans La Mort le roi Arthur, Morgane emmène Arthur sur l’île d’Avalon pour le soigner de ses blessures (épisode déjà présent dans l’Historia Regum Britanniae).

« Une fée est tout simplement une femme plus instruite que la moyenne » (Anne Berthelot, « Magiciens et enchanteurs : Comment apprivoiser l’autre “faé” ).

 

La magie est un art, c’est-à-dire une discipline, un savoir … mystérieux.

Yvain est le héros de l'aventure de la ''fontaine merveilleuse'' ...

Yvain va entrer dans un monde régi par l'enchantement, il se sacrifie pour une Dame ''qui fait la pluie et le beau temps'' et devient le nouveau gardien de la Fontaine... Mais, il partira de chez sa dame, en quête d’aventure, il oubliera qu’il est dans un pays hors du temps et ne respectera pas le rendez-vous avec sa dame, avec la fée...

Voir ici, le détail de cette histoire :

LA FONTAINE MAGIQUE DE BARENTON, OU, LAUDINE ET YVAIN.

Yvain, The Knight of the Lion (ca. 1177)

L’épisode de la fontaine concerne les quatre états de la matière … La pierre est d'émeraude, l'eau, le feu de la foudre et l'air du vent …

L’émeraude creusée qui compose le perron est semblable au fourneau de l’alchimiste et le creuset intérieur équivaut à l’espace que l’alchimie permet de découvrir en soi-même.

Les pierres sont enchâssées dans le sceau d’un anneau... Les anneaux constituent des dons de fées aux chevaliers. Le premier est donné par Lunete, suivante de Laudine, à Yvain. Il lui procure le don d'invisibilité... Différent est l’anneau qu’Yvain reçoit de Laudine, anneau qu’elle remet à son époux lorsqu’il part pour un an à l’aventure. Il a le double pouvoir de le protéger et de lui prouver la fidélité de sa dame.

Lancelot subit une épreuve d’initiation, avec le ''Lit périlleux''. La magie, dans ce cas, ajoute un élément de mystère au merveilleux

Cette valeur initiatique est aussi présente dans l’épreuve du Lit de la Merveille soutenue par Gauvain dans le Palais des Reines, royaume des mères et monde des morts...

Perceval et le cortège du Graal détail

Perceval, pourrait bien, lui, ''percer'' l'enchantement de ces aventures... Il est soumis à la vison d'un cortège – est-ce là un prodige ou un miracle ? - et son ''péché'' est de ne pas poser de question. La queste est bien avant tout une question. Ici, on passe de la ''merveille'' au symbole ; les continuateurs en christianisant l'aventure, vont proposer une mystique du Graal …

En conclusion,  la magie constitue une menace pour l’intégrité et le bonheur de la société et seule la rupture des enchantements peut aboutir à la Joie de la Cour.

Sources : un article de Cristina Noacco ( Université de Toulouse)

 

La magie savante au Moyen-âge, préoccupe l'Eglise ; elle est une forme de l'activité scientifique, et même philosophique : elle a pour objet, la connaissance, la gnose... Le seul fait d'explorer les lois de la nature menace le dogme...

Un bon exemple de cette magie savante est le ' Picatrix ', ouvrage du XIIIe siècle présentée en sa version latine : il s'agit d'un traité de magie et d'hermétisme médiéval,  inspiré par l'alchimiste Jabir Ibn Hayyan (721-815)...

 

L'activité de chercher à connaître, expérimenter … peut fournir une illumination extérieure, qui renvoie à une illumination intérieure de la connaissance de Dieu ; mais cette étude par la gnose, et non par la foi ( cad le ''catéchisme'' encadrée par les clercs...) est suspecte. Les philosophes ( ceux des ''Lumières'') du XVIIIe siècle, devant tant de malhonnêteté intellectuelle, jetteront le bébé avec l'eau du bain …

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Le monde de la magie au Moyen-âge : -2/.-

Publié le par Perceval

Dans le roman de Chrétien de Troyes,'' Erec et Enide '' :

Érec, après avoir chevauché plus de trente lieues en compagnie d'Enide, sa femme, et de Guivret le Petit, son ami, arrive devant un château-fort entouré de tous côtés d'une eau large et profonde. C'est le château de Brandigan. Il appartient au roi Évrain, qui l'a fait fortifier par luxe plutôt que par besoin, car la défense naturelle suffisait. Erec propose aussitôt d'aller y prendre hôtel ; mais Guivret l'avertit qu'il y a là un «mal trespas », autrement dit une mauvaise coutume. Depuis sept ans, aucun de ceux qui s'y sont aventurés n'en est revenu ; on y reçoit «honte ou mort ». D'ailleurs, si l'aventure est périlleuse, elle a un beau nom, elle s'appelle «la Joie de la Cour ». Ce mot achève de décider Erec à demander l'hospitalité du roi ...

 

Dans la dernière partie du roman, au terme de sa quête, Erec tente la terrible aventure dont nul n’est jamais revenu. Il doit vaincre le géant Mabonagrain pour lui permettre de sortir de ce verger d’amour où il est prisonnier.

« Autour du verger il n’y avait ni mur ni haie, mais seulement de l’air. Par un effet magique l’air sur chaque côté assurait la clôture du jardin, si étroitement qu’il était impossible d’y pénétrer, à moins de voler par-dessus, exactement comme s’il avait été entouré d’une barrière de fer. Eté comme hiver, on y trouvait des fleurs et des fruits à maturité. Ces fruits étaient ensorcelés : on pouvait les manger dans le verger mais il était impossible de les emporter à l’extérieur. Celui qui aurait voulu en emporter un n’aurait jamais pu trouver la porte et ne serait jamais sorti du verger avant de l’avoir remis en place. De tous les oiseaux qui peuplent le ciel et qui font le plaisir de l’homme en chantant pour le distraire et le réjouir, il n’en est pas un que l’on ne puisse y entendre, et même plusieurs de chaque espèce. Il n’est pas sur toute l’étendue de la terre d’épice ou de racine douées de vertus médicinales qui n’y soient cultivée, et en abondance. C’est là que par une entrée fort étroite pénétra la foule des gens avec le roi Evrain et tous les autres. Erec chevauchait dans le verger, la lance en arrêt, tout en goûtant le chant des oiseaux qui s’y faisaient entendre. Ils étaient pour lui le symbole de sa Joie, la chose qu’il désirait le plus. […] Erec suivit alors un sentier, seul, sans aucun compagnon, et finit par trouver un lit d’argent recouvert d’un drap brodé d’or, à l’ombre d’un sycomore ; sur le lit il vit une jeune fille, à la taille bien prise, au visage fin, d’une beauté de rêve. »

 

… apparaît, étendue sur un lit et à l’ombre d’un sycomore, une fée.

Le verger est un monde '' autre '', parallèle au réel, régi par l’enchantement...

Pour pouvoir demeurer avec sa dame, Mabonagrain est obligé de tuer tout chevalier qui pénètre dans le verger, afin de prouver constamment qu’il est le meilleur chevalier.

 

Dans le Cligès , Fénice, fille de l’empereur germanique , est promise à l’empereur de Constantinople Alis. Lors de la rencontre publique des promis, la jeune fille tombe immédiatement amoureuse du chevalier Cligès (et réciproquement), qui n’est autre que le neveu de l’empereur...

Cligès et Fenice (BNF 2186 folio 3v)

La « nigromance » de Thessala va permettre à Fénice, bien que mariée, de préserver sa virginité et de rester fidèle, d’esprit et de corps, à Cligès...

Thessala, originaire, comme son nom l’indique, de Thessalie, « où sont feites les deablies, anseigniees et establies », experte à ce titre en enchantements, en sortilèges et en poisons, confectionne une potion épicée qui, correctement filtrée, permet à l’empereur d’assouvir en rêve son désir charnel pour Fénice. Le « philtre » n’induit donc pas l’amour, mais crée, à titre défensif, l’illusion de l’activité sexuelle. L’empereur et la jeune vierge « coucheront dans le même lit, mais durant tout le temps qu’ils seront ensemble, elle sera en sécurité comme s’il y avait un mur entre eux deux. […] Quand il sera profondément endormi, il aura d’elle son plaisir à volonté ; [et] il sera persuadé d’avoir ce plaisir en état de veille, sans être victime d’un songe, d’une tromperie ni d’un mensonge. »

Le breuvage est confié par Fénice à Cligès, qui, tout en en ignorant la vertu, en sert une pleine coupe à Alis, ainsi que le lui a ordonné la mariée. L’empereur se trouve aussitôt envoûté et livré à ses fantasmes. La nigromance, dont le caractère diabolique est sous-entendu,permet paradoxalement à la jeune fille, contrairement à Iseult, de ne pas verser dans l’adultère , ni même d’être véritablement mariée, puisque la consommation du mariage n’a pas eu lieu ! Seul l’esprit de l’empereur est troublé et trompé.

 

 La caractéristique de Thessala est de préparer des breuvages ensorcelés, capables de soumettre l’arbitre de ceux qui les boivent. Chrétien nous la montre à l’œuvre, avec beaucoup de réalisme, avec ses herbes et ses ingrédients, dont on ne met pas en doute les vertus obscures mais efficaces...

La potion ''d'amour'' préparée par Thessala et offerte à Alis au repas de noces, aura comme effet de lui faire croire qu’il possède son épouse la nuit, alors qu’il rêve seulement.

L’effet de la magie est une illusion... Plus tard Fénice boit une potion narcotique qui la fera sembler morte et lui permettra de rester insensible aux douleurs que les médecins du roi Alis lui infligent pour vérifier sa mort. Ensuite, elle pourra vivre cachée dans une tour avec Cligès... Le philtre procure un faux plaisir et une fausse mort. Il est puissant, efficace, mais ne résout pas le problème : il donne un ''faux'' bonheur …

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Le monde de la magie au Moyen-âge avec Chrétien de Troyes : -1/.-

Publié le par Perceval

Pour Pic de la Mirandole ( XVe s), la magie agit par amour : « Les merveilles de l'art magique ne s'accomplissent que par l'union et l'actualisation des choses qui sont latentes ou séparées dans la nature. (…) Faire de la magie n'est pas autre chose que marier le monde »

Par édit royal de 1682, sous Louis XIV, la notion de sorcier ou magicien est supprimée : désormais l'État ne reconnaît plus que des charlatans, des imposteurs, ou des imaginatifs, des fous. Le XVIIIe s. tente de rationaliser la magie. Paris voit défiler de hautes figures de la magie, comme le comte de Saint-Germain en 1763, Franz Anton Mesmer en 1778, Cagliostro en 1785, tous contestés...

 

Pour parler du Moyen-âge, il nous faut un témoin : Chrétien de Troyes (né vers 1130 et mort entre 1180 et 1190) ; l'un des premiers auteurs de romans de la chevalerie, et de la littérature arthurienne en particulier.

Il est au service de la cour de Champagne, au temps d'Henri le Libéral (1127-1181) et de Marie de France (1145-1198), son épouse. Henri part en croisade de 1147 à 1150 ; puis de 1176 à 1181. Marie de France ou de Champagne, est la première fille de Louis VII le jeune roi de France et d'Aliénor d'Aquitaine, ce qui présente la particularité de faire d'elle la demi-sœur à la fois de Richard Cœur de Lion et de Philippe Auguste. Comtesse de Champagne par son mariage, elle assume trois fois la régence sur ses terres. Son fils parti en croisade, va devenir Roi de Jérusalem... Elle participe à la cour lettrée d’Aliénor d'Aquitaine à Poitiers (1170-1173) et protège de nombreux écrivains... Chrétien de Troyes lui dédie son ''Chevalier de la Charrette''.

Le comte Henri était un grand lettré, appréciant tout particulièrement les auteurs classiques, les historiens et les philosophes. Il aimait discuter avec les théologiens de son époque, Pierre de la Celle, Pierre Comestor, Jean de Salisbury notamment.

Pour nous placer dans le contexte culturel, nous serons attentifs au cadre théorique des '' 4 éléments '' :

La théorie des quatre éléments est une façon traditionnelle de décrire et d'analyser le monde. Elle remonte à la Grèce antique ( Aristote) et servit de base à toute la science naturelle du Moyen-âge.

L’univers est composé de quatre éléments : feu, terre, eau, et air, et pour les comprendre il faut envisager les quatre qualités élémentaires : chaud, froid, humide et sec.

Ainsi : le Feu (chaud et sec) ; la Terre (froide et sèche), l'Eau (froide et humide) et l'Air (chaude et humide)...

N'oublions pas, que nous sommes à l’époque des croisades, et que c'est au XIIe siècle en Terre Sainte, et lors de la reconquista en Espagne, que le savoir des Grecs et la théorie aristotélicienne des éléments a pénétré en Occident par l’intermédiaire des Arabes.

Au XVIIIe siècle, lors de l'institution de l’initiation maçonnique : les quatre éléments vont signifier la purification par le feu, l’eau, l’air et la terre. L'initié doit être purifié pour entrer en maçonnerie.

Dans le roman médiéval Perceforest, un épisode fait référence aux quatre éléments :

Le roi Perceforest, voulant symboliser les œuvres du Dieu Souverain dans le temple qui lui est dédié, fait construire un reliquaire « d'or et d'argent et garny d'un fin cristal dont le piet estoit rond » et y place les « quatres élémens ».

Les quatre éléments vont alors lui permettre de matérialiser « la magnificience et la puissance du Souverain Créateur »: « II print premièrement de la terre, qui est le plus pesant des quatres, et en mist dedans le creux du pillier de cristal. Après il y mist de l'eaue, et consequamment il y encloït de l'aer, puis mist de l'oelle especiale dedens l'ampoulle qui estoit sus le pillier. En ceste oille mist de la mesche, puis l'aluma. Ce fait, il s'eslonga ung petit, puis regarda le riche reliquaire, car il lui pleut a merveilles, car l'en y veoit assez clerement les quatres elemens ».

Cette référence aux conceptions scientifiques d' Aristote dans un ouvrage purement littéraire montre combien les quatre éléments faisaient partie de la culture de base des lettrés en cette fin du Moyen Age.

 

Chez Chrétien de Troyes, les lieux magiques de ses romans font référence aux propriétés magiques de l’Air, de l’Eau, de la Terre et du Feu.

  • L’Air enveloppe le verger de la Joie de la Cour.

  • l’Eau versée par Yvain sur la fontaine merveilleuse déclenche l’orage...

  • de la Terre viennent les pouvoirs magiques des pierres précieuses, utilisées toutes seules ou enchâssées dans les anneaux et des plantes mélangées dans les philtres.

  • tandis que le Feu accompagne les rites de passage, sorte d’ordalie païenne, dans le lit périlleux.

 

La magie se situe dans le contexte du merveilleux, d’où elle sort et qui représente son point de référence constant.

C'est ainsi que nous partons en « quête de la Joie » jusqu'à la « quête du Graal »

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Le Chevalier d'Oisemont : mentaliste.

Publié le par Perceval

Le Chevalier d'Oisemont : mentaliste.

Le chevalier d'Oisemont, se présente comme un ''mentaliste'' qui a eu accès aux secrets traditionnels expérimentés par Cagliostro et le Comte de Saint-Germain. Il est reçu avec beaucoup de curiosité dans les salons ; et son discours ésotérique est ponctué de nombreux tours qui ne peuvent qu'émerveiller ceux qui l'écoutent …

The Fortune Teller by George Morland

Peux t-on prévoir l'avenir ? Bien sûr ! Le chevalier – après s'être recueilli - écrit un court texte sur une feuille, la glisse dans l'enveloppe ; qu'il donne et confie à une personne assise autour de la table.

A partir d'un jeu de cartes ordinaire, il fait choisir 1 carte à trois personnes : ici opère le hasard … Chacune pose sa carte côté face, et chacun peux la voir... Il laisse la possibilité de changer sa carte … ! Ici, opère le libre-arbitre !!

3 cartes sont sur la table … Et, sur ces bases opère le Destin... Le Destin est une vaste mécanique qui s'apparente à une opération mathématique qui dépend du hasard, mais aussi du choix personnel.

Le chevalier « pose sur chaque carte choisie le nombre de cartes nécessaire pour amener la valeur de la carte à 10. 10 : la Tetraktys pythagoricienne (1+2+3+4) a le sens de la totalité , de l'achèvement ...etc...

Par exemple, si la première carte choisie est un 4, il pose 6 cartes dessus (6 + 4 = 10), si la suivante est un 7, il pose simplement 3 cartes dessus (7 + 3= 10), si la dernière carte est une figure, il ne pose rien car les figures valent 10.

À ce stade, le chevalier fait remarquer que le nombre de cartes sur la table dépend des choix que ses amis ont faits en prenant leur carte et que s'ils avaient choisi des cartes différentes 1l y aurait un nombre de cartes différent sur la table. Comme pour aller plus loin, il additionne les valeurs des 3 cartes choisies - dans notre exemple 4 + 7+ 10 = 21 - et il pose sur la table 21 cartes. Il retourne la carte du dessus du jeu (la vingt-deuxième) comme étant la carte découlant des choix de nos 3 amis.

Imaginons qu'il s'agisse du 6 de carreau.

The Card Players, 1760 by Pietro Longhi

 

Le chevalier demande à ce que l'enveloppe – confiée tout à l'heure - soit ouverte... A l’intérieur on trouve cette note: « Je peux anticiper la vaste mécanique du Destin, et prévoir avant que le hasard et votre choix opèrent que vous nous conduirez au 6 de carreau ... »

 

* «  Entre nous ... » Le meilleur dans cette expérience, c'est qu'elle fonctionne toute seule. Tout est automatique. Il suffit de rédiger votre note telle quelle, et de placer le '6 de carreau' en trente-quatrième position, et vous êtes prêt. Autre contrainte est de faire choisir les 3 cartes dans les 33 premières du jeu, ce qui n'est pas compliqué car cela représente presque les deux tiers du jeu. ( Sources : Le carnet du mentaliste – de Viktor Vincent - )

 

Vous allez ce soir, décider de l'heure de votre mort... Et ce choix, sera bien confirmé par le Tarot.

Choisissez une heure.... Attention ! Choisissez bien !! On ne recommencera pas ….

Il y aura une imprécision … Vous n'avez que 21 cartes en main... Aussi, si vous choisissez 11h, je ne peux vous affirmer si ce sera 11h ou 23h …

 

Vous choisissez ? …. Disons : 6h

* Nous cherchons à présent la confirmation par le tirage de la carte de la Mort ...

Jan Gerard Waldorp 'Visit to the Fortune Teller,' 1790s

Vous prenez votre jeu de Tarot, avec les cartes classées dans l'ordre, la 1ére face avant le N°I (le bateleur), puis la II, (la papesse)... etc, jusqu'à la carte XXI ( le Monde). Vous retournez le jeu – face cachée, dans votre main gauche. La 1ére carte devient la dernière la n°XXI ( le Monde), vous n'en voyez que le dos …

Vous posez sur la table, votre choix : 6 cartes …, une par une ...

J'interviens : je vous demande de reprendre 4 cartes : 4 comme 4 éléments, 4 saisons … etc : ce qui vous retient à la terre …

Vous reprenez une à une 4 cartes que vous posez une à une sur le tas que vous tenez dans votre main gauche … ( le dos tourné donc)

Puis, je vous demande d'ajouter 13 cartes : 13 étant le N° de la carte de la Mort...

Enfin : vous confirmez votre choix et reprenez 6 cartes ( c'est vous qui aviez choisi 6h...)

 

La carte supérieure qui est posée en face de vous : vous la retournez, et c'est... : La Mort !

** Confirmé ! J'espère que vous aviez bien réfléchi ….

 

Bien sûr, ces exemples ne sont que de petits jeux, qui peuvent annoncer avec le charisme de personnages comme Cagliostro, Saint-Germain, ou même Casanova ; un développement plus spectaculaire qui conduit l'auditeur à douter de son propre scepticisme naturel, et se laisser aller à suivre – en ce XVIIIe s - un discours teinté d'occultisme par exemple ...

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