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Le Limousin au XVIIIe s – Histoire et Légendes -3 Les Places

Publié le par Perceval

Château des Places aujourd'hui ( Creuse, près de Crozant)

Le comte de la Marche, invite ses hôtes au Château des Places.

Il faut suivre le chemin de Saint-Sébastien, après être passé au pont du diable ( dont on va parler un peu plus tard...).

 

Une première construction date du XVe siècle, elle est transformée à la fin du 17e ou au début du 18e siècle par l’adjonction de deux tours circulaires coiffées d’un petit dôme à lanternon.

Après son père, Gabriel Foucault – capitaine des armées royales – s'y retira avec sa noble épouse Marie Desprez.

 

Quand Sylvain de la Marche, devient propriétaire de la seigneurie en 1786, il élabore un projet de château neuf : corps de bâtiment d’un étage carré et un demi-étage en attique, flanqué de deux avant-corps en pavillons. ( Les pierres préparées pour ces travaux seront dérobées au cours des années mouvementées de la Révolution : restituées, elles seront employées pour la construction de la petite habitation moderne.)

Ce serait peut-être Gabriel Foucault qui fit élever la chapelle dédiée à Notre-Dame de Pitié, en 1686, à la suite d'un vœu fait par lui en un jour de douloureuse mémoire...

Voici ce que Sylvain Attale de La Marche en dit, à ses invités :

 

Non loin du château, au hameau de Sainte-Foy, existait une chapelle à côté d'une '' bonne fontaine''. Au-dessus de l'autel de cet oratoire était placée une statue de l'Auguste Mère de Dieu, tenant sur ses genoux le corps inanimé de son divin fils et connue sous le nom de Notre-Dame de pitié...

En 1573, une bande de huguenots dévastaient les églises. Au premier signal d'alarme, la statue fut enlevée et cachée au vieux château des Places... La Chapelle fut détruite …

Un siècle plus tard, on retrouve par miracle, la statue intacte, dans des décombres du vieux manoir... La nouvelle se répand, et c'est alors une explosion de piété... autour de la statue...

Vers la fin du XVIIe siècle, un jour, une jeune fille d'un des hameaux de la paroisse vient ici en pèlerinage... Blanche, c'est son nom, se hâte ensuite de reprendre le chemin de la maison paternelle...

Le châtelain ( donc, sans-doute, un Foucaud de Saint-Gerrnain-Beaupré), revient de la chasse, et aperçoit la jeune fille … Poussé par une passion brutale, il a le malheur, d'exposer, par son insistance, la vertueuse bergère à se noyer dans la Sedelle...

La mort tragique de cette pauvre enfant inspire un repentir salutaire au libertin qui, pour expier sa faute, fait bâtir en l’honneur de la Reine des vierges la chapelle des Places, tout près du manoir...

 

Le 8 septembre 1689, la Chapelle des Places est consacrée à Marie...

Depuis ce triste événement, racontent encore les anciens de la localité, appuyés sur les témoignages de leurs pères, Blanche apparaît régulièrement chaque année à la même fête du 8 septembre.

Dès que les premiers rayons du soleil...font étinceler de mille feux les vitraux de la chapelle, on la voit se dégager des nuages et se fixer sur la pierre de la fontaine.

Enveloppée dans les plis d'une manteline qui ressemble à un linceul, les cheveux en désordre, comme le jour où elle gisait sans vie sur la rive, elle agite dans les airs un voile d'une éblouissante blancheur...

Cet inconcevable miracle...ne se renouvellera plus après 1793, quand la chapelle fut interdite au public.

Cependant en 1862, l'abbé Paul Ratier, écrit que la chapelle existe encore, qu'elle est entretenue avec soin, et toujours fréquentée, à toutes les fêtes de la bonne Dame, par de fervents pèlerins.

On raconte alors, que pendant la Révolution, la statue de la Vierge a été menacée de profanation, et sauvée par le courage d'une femme.

« Déjà les émissaires de la Convention avaient pénétré dans la chapelle, les échelles étaient dressées et leurs mains sacrilèges allaient saisir la sainte image, lorsqu'une femme de service au château s'élance au-devant d'eux... une hache à la main : « Malheureux ! s'écrie-t-elle, que voulez-vous faire ? si vous touchez à la Bonne Dame, je vous coupe les jarrets. » A ces mots, ces fanatiques saisis d'un indicible et mystérieux effroi, furent comme frappés de vertige.

Le lendemain, la Vierge était portée en lieu sûr pour être soustraite à la fureur de quelques nouveaux vandales de la révolution... » ( Abbé Rouzier, 1897)

 

Il me reste encore à vous conter la légende qui entoure le Pont Charraud, surnommé le Pont du Diable ...

Pont-Charraud.

Tout le monde, ici, connaît la légende de ce pont, surnommé le Pont du Diable :

C'était en 1602,les seigneurs de Crozant et des Places, voulant entretenir des relations amicales et suivies, résolurent de faire jeter un pont sur la Sédelle.

On choisit l'endroit le plus favorable à ce projet, et l'entreprise fut donnée à un ouvrier d'un hameau voisin. Le marché conclu, le bonhomme ne tarda pas à se repentir de son engagement.

A l'inspection plus attentive des lieux et des accidents de terrain, il s'aperçoit qu'il y a pour lui des difficultés inattendues, et que pour exécuter ce travail il lui faudrait le double du prix convenu.

Trois jours durant, il vint promener ses ennuis sur les bords de la rivière, en proie à la plus vive anxiété....

Le dernier jour, comme il approchait de ces Thermopyles d'un nouveau genre, l'esprit assiégé de mille pensées confuses, il aperçoit un étranger, debout, au milieu de flammes qui semblent sortir de terre.

(Je note que les Thermopyles sont dans l'antiquité grecque associées à une bataille, ce sont un étroit défilé d’une dizaine de mètres de large et un piège … )

L'honnête homme s'arrête, tremblant, un frisson glacial lui parcourt tous les membres :

«Tu parais triste, lui dit la voix troublante de l'inconnu. Je sais la cause de ton ennui, en lui montrant la rivière : tu voudrais bâtir ici un pont sur ce torrent, et tu comprends la difficulté de ton entreprise.

Cette construction, aux conditions que tu as acceptées, c'est la ruine pour ta maison...

Écoute moi, je peux bâtir le pont en un seul jour, ou une seule nuit : veux-tu accepter mes conditions ? »

Stupéfait, ahuri devant une telle proposition, le brave villageois répond avec une sorte d'inconscience, provoquée par un étonnement qui n'était surpassé que par la crainte'. « Parlez, seigneur, je vous écoute.» «Eh bien,reprend l'étranger, tu me donneras le premier fagot que tu lieras demain. » « Je vous le promets, répondit-il en tremblant ».

Il avait à peine achevé sa réponse, que le mystérieux personnage disparaît au milieu d'un tourbillon de fumée épaisse et pénétrante. Un peu revenu de sa frayeur, le bonhomme regagne à pas pressés son humble chaumière, comme soulagé d'un poids énorme.

Il se hâte de raconter à sa femme cette singulière aventure et la promesse qu'il a faite.

Intelligente et rusée, la jeune paysanne s'écrie, levant les bras vers le ciel :

« Qu'est-ce donc que tu m'as dit ? Malheureux ! Mais c'est le diable que tu as vu et qui t'as parlé ; il n'y a que 1'esprit malin, pour faire de semblables propositions et arracher à un sot une telle promesse. Mais tu n'as donc pas compris que le fagot fatal que tu dois livrer, c'est toi. Oui, c'est toi !...N'es-tu pas le premier fagot que tu lies le matin, attachant tes vêtements à ta ceinture ? »

Ces paroles si sensées de sa femme sont pour lui toute une révélation : il a compris le piège de l'ennemi du genre humain, un éclair de raison lui a traversé l'esprit, il sait le moyen de déjouer la ruse de son adversaire.

Le lendemain, à l'aube, le voyageur qui se serait égaré dans ces parages, aurait aperçu, non sans surprise, un homme dans un costume un peu primitif, la cognée à la main, coupant d'énormes branches d'arbres.

Il fait un fagot, le plus fourni et le plus beau des fagots, et le chargeant sur ses épaules, prend le chemin de la rivière.

O surprise ! O merveille ! un pont superbe, baigne coquettement ses pieds dans le torrent rapide.

A l'extrémité, apparaît soudain l'étranger de la veille, qui semble attendre sa proie avec une vive impatience.

Lentement, le brave paysan s'approche :

« Tu m'as demandé le premier fagot que je lierais ce matin, le voilà, dit-il en jetant le bois sur le pont. »

« Misérable, s'écrie le diable en fureur, tu m'as trompé ! » et dans sa rage de damné, il emporte et jette au loin la clef de voûte du pont merveilleux, qui ne fut remplacée que longtemps après, en 1695.

Ce pont est le seul bâti en pierre sur la Sédelle. »

Extrait de l' Abbé L. Rouzier, ''Histoire illustrée des châteaux de Crozant et des Places'', Limoges, 1897, pages 71, 72

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Le Limousin au XVIIIe s – Histoire et Légendes -2 George Sand

Publié le par Perceval

George Sand, se promenait en Creuse, on peut aujourd'hui visiter sa chambre au château de Boussac... Un site, comme '' les Pierres Jaumâtres '' l'a inspiré, pour son roman Jeanne .

Ma visite de Crozant, escorté par Mme G. Sand

George Sand ( 1804-1876) organise pour ses enfants et Chopin, des expéditions, comme celle ( vers 1830) où ils partent à dos d'âne, voir les ruines de Crozant , dormir sur la paille à la belle étoile, et se tremper dans la rivière. Le défrichement des coteaux sur ces espaces pentus non cultivés est assuré par le pâturage des moutons. A la place des taillis et futaies d'aujourd'hui, s’étendent des landes et des bruyères, dont les teintes de rose se retrouvent dans les peintures de l’époque. La construction du barrage d’Eguzon, en aval, a modifié le paysage en provoquant la montée des eaux de la Creuse et de la Sédelle. Il faut s’imaginer leur niveau beaucoup plus bas. Elles ressemblent alors à des torrents...

George Sand publie en 1845 : ''Le péché de M. Antoine'', roman ''socialiste'' qui paraît en feuilleton dans '' L’Époque'' … Le cadre romantique de la Forteresse de Crozant, va correspondre la souffrance d’Émile qui s'y réfugie, tiraillé dans son histoire d'amour avec Gilberte

« Il leva les yeux, et vit devant lui, au-delà de précipices et de ravins profonds, les ruines de Crozant s’élever en flèche aiguë sur des cimes étrangement déchiquetées, et parsemées sur un espace qu’on peut à peine embrasser d’un seul coup d’œil.
Émile était déjà venu visiter cette curieuse forteresse, mais par un chemin plus direct, et sa préoccupation l’ayant empêché cette fois de s’orienter, il resta un instant avant de se reconnaître. Rien ne convenait mieux à l’état de son âme que ce site sauvage et ces ruines désolées. Il laissa son cheval dans une chaumière et descendit à pied le sentier étroit qui, par des gradins de rochers, conduit au lit du torrent. Puis il en remonta un semblable, et s’enfonça dans les décombres où il resta plusieurs heures en proie à une douleur que l’aspect d’un lieu si horrible, et si sublime en même temps, portait par instant jusqu’au délire.
 »

Et, plus tard, quand il la rencontre à nouveau, et qu'elle l'aime toujours … «   jamais il n'avait vu un plus beau jour que cette pâle journée de septembre, un site plus riant et plus enchanté que cette sombre forteresse de Crozant ! Et justement Gilberte avait ce jour-là sa robe lilas, qu'il ne lui avait pas vue depuis longtemps, et qui lui rappelait le jour et l'heure où il était devenu éperdument amoureux ! »

 

Alfred Smith, CrozantAlfred Smith, Crozant

Alfred Smith, Crozant

 

la Roche des Fileuses

Roche des Fileuses – légende -

En face apparaît, surplombant la Creuse, la roche gigantesque connue sous le nom suggestif de Roche des Fileuses, dont voici la légende :

« Lorsqu'aux jours ensoleillés du printemps, les bergerettes paissaient leurs moutons sur la montagne verdoyante, une sorte de joyeux tournoi s'établissait entre elles, ajoutant cet innocent plaisir aux charmes de leurs jeux champêtres.

Au signal donné, on voyait les intrépides jeunes filles, la quenouille au côté, le fuseau dans la main, debout toutes ensemble, sur le faite de la roche, qui s'élève à pic sur le torrent, à l'heure où le soleil descend lentement à l'horizon, et où la rivière miroitait, comme une immense lame d'argent diaprée d'efflorescences d'or pâle et d'azur.

Fileuse

Quelle sera la main assez habile pour laisser glisser jusqu'en bas son fuseau et le ramener à elle, enlacé de ses mille fils de lin ?...

Assis au haut de la vieille tour, le seigneur, entouré de sa noble épouse et des servants d'armes, les yeux fixés attentivement sur le groupe sémillant des fileuses, attendait avec émotion l'issue de cet intéressant tournoi.

La bergerette qui avait été assez heureuse pour triompher de cette périlleuse épreuve était acclamée par ses compagnes, qui la conduisaient bruyamment à la demeure seigneuriale où le vieux châtelain, après avoir effleuré son front virginal d'un baiser paternel, lui plaçait sur la tête une couronne de fleurs et lui offrait la main de l'un de ses plus jeunes varlets...

La reine de ce jour était la jeune bergère dotée comme une rosière de nos jours.

A ce moment le barde chantait sur la harpe sonore, le triomphe de la douce héroïne du Fuseau.
"Au loin des cris guerriers ont rompu le silence 
Allons ! Preux chevaliers armez-vous de la lance !
Est-ce l’ennemi qui s’avance ? 
Non, c'est la fleur d’amour,
Preux chevaliers, abaissez votre lance ! 
Saluez ! Saluez la reine de ce jour !
Chantez, chantez, l'hymne d'amour !"

Extrait de '' Histoire illustrée du château de Crozant '' Abbé L. Rouzier 1897.

Eugene Alluaud

Au XVIIIe s. Les coteaux qui entourent le bourg de Crozant, peuvent présenter une certaine désolation, tantôt arides et dénudés, tantôt couverts de vigoureux châtaigniers... Le village, face à la forteresse, domine la vallée sauvage... On trouve ici des juges, un notaire royal, un monastère de l'ordre de Saint-benoît, un clergé séculier et régulier...

 

Hugues-Thibault de Lusignan, et Jean-Léonard de La Bermondie, seront attendus par Sylvain Attale de La Marche comte de Crozant et de Puyguillon, et officier au régiment de Rouergue...

Les ruines de Crozant, viennent de lui être vendues - comme un banal domaine de paysans – par Nicolas Doublet de Persan. Ainsi, Sylvain de la Marche, dernier héritier des Comtes de la Marche ; peut récupérer les plus beaux fiefs de sa famille afin d'en reconstituer la patrimoine...

A suivre...

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Le Limousin au XVIIIe s – Histoire et Légendes -1 Crozant

Publié le par Perceval

En cette veille de la Révolution, J. L. de La Bermondie, revient vers le Limousin ; et il est accompagné de son ami Hugues-Thibault de Lusignan ; tous deux (camarades de l'école des pages), se sont rejoints dans leur intérêt à la culture traditionnelle qui les amènent à retrouver les témoignages de leur lignée... Jean-Léonard de la Bermondie est sur les traces de Roger de Laron ( alchimiste et templier, je le rappelle …) ; et le marquis de Lusignan retrouve en Haute-marche, les anciennes terres des seigneurs de Lusignan...

 

Hugues IX de Lusignan, s'empare du comté de la Marche, alors que - après la mort de Richard cœur de Lion (1199) - l'Empire Plantagenêt commence à se disloquer. 

Au début du XIIIème siècle le comté de la Marche appartient donc à la famille des Lusignan. Cette famille est au coeur des conflits entre les rois de France et les Plantagenêts duc d'Aquitaine et rois d'Angleterre. L'épisode s'achève avec la victoire de Saint Louis à Taillebourg en 1242, Hugues X de Lusignan est lourdement sanctionné. Crozant est alors considérée comme la principale forteresse des possessions de Hugues X et d’Isabelle. Ils se reconnaissent vassaux d'Alphonse de Poitiers, comte de Poitou et de Toulouse, lui doivent redevance pour plusieurs châteaux dont celui de Crozant pour une durée de huit ans. Les Lusignans doivent aussi verser 200 livres par an pour l'entretien d'une garnison dans ce lieu.

En 1309, Yolande de Lusignan, héritière de cette branche des Lusignan et veuve d'Étienne II de Sancerre, vend le comté de la Marche au roi de France Philippe IV le Bel.

Hugues-Thibault-Henri-Jacques de Lezay de Lusignan ( 1749-1814) va devenir député de la noblesse aux États généraux de 1789 pour la ville de Paris. Il approuve les réformes et siège avec les partisans de la monarchie constitutionnelle. Il est promu maréchal de camp en mai 1790. Parti un temps en Angleterre, puis à Abbeville, il obtient sa radiation de la liste des émigrés en 1800.

 

Hugues-Thibault et J. L. De la Brémontie sont tous deux maçons, et ont , un temps, partagé la recherche d'une continuité avec l'Ordre du Temple, soutenus par Willermoz... ( voir articles précédents ..)

Le voyage de Paris vers Limoges, passe par Argenton, Bessines et Razès. La route évite La Souterraine … Cependant, cette fois J. L. De la Brémontie quitte la route aménagée pour s'aventurer jusqu'à Crozant, et rendre hommage aux Lusignan ...

Jusqu'à Orléans la route est pavée ; on peut profiter d'une voiture légère et à chaque relais de poste changer prestement les chevaux... Ensuite c'est selon... Au mieux, elles est décrite comme une route « superbe, tirée au cordeau et bordée de magnifiques ormeaux » conformément à la règle adoptée par les ingénieurs des Ponts et Chaussées, sur les instructions du limousin Trudaine...

Ensuite, pour remonter la rivière de la Creuse, il est préférable d'avoir son cheval, pour affronter le relief, les zones tourbeuses et les ruisseaux.

Le limousin atteint, il convient au contraire de se mettre à ruser avec les collines, les zones tourbeuses et les ruisseaux. Jusqu'à Crozant, qui nous ouvre le Limousin...

De la lande, encore et toujours; définissent ces steppes limousines, dans lesquelles se fondent les villages aux toits de chaume moussu.

Il y a plus deux siècles, en cette chaude période; sous un amas de brume, le soleil se rallume et lève avec lenteur le voile posé sur les collines de bruyères dégringolant jusqu’à la rivière. Au fond, dans le ravin, les flots rapides des eaux vertnoir de la Creuse et la Sédelle ont laissé la place à une retenue mais, dans cette boucle, assis sur un énorme promontoire, le château fort de Crozant étale ses débris, vestiges d’un passé glorieux... Ce n'est pas le passé qui attire les peintres, mais la lumière qui joue sur ces flancs de colline ...

Aujourd'hui, malheureusement, la forêt a repris le dessus, du fait sans doute de l'absence des moutons...


 

Crozant, doit son nom à la Creuse ( gaulois croso : creux ), son château remonte au XIIe siècle avant qu’une forteresse ne soit construite au XIIIe siècle. Il fut la propriété d’Hugues X de Lusignan, alors comte de la Marche. On estime que c'est son épouse Isabelle d’Angoulême qui fit procéder aux constructions les plus importantes.

Longue de 380 m, protégée par dix tours et environ 1 km de remparts, la forteresse, entourée par la Creuse et la Sédelle, est nichée en haut d’une pointe rocheuse et protégée de surplus par un fossé (l’accès se faisait grâce à un pont-levis). Aux XIVe et XVIe siècles, elle commence à se détériorer et au XVIIe elle est déjà en ruine.

L’une de ses tours s’appelle Tour de Mélusine (il en existe ailleurs comme par exemple à Fougères en Bretagne, ville administrée par les Lusignan).

Mélusine, personnage légendaire féminin, est un être fantastique, moitié humain, moitié animal. Cette figure est immortalisée en 1393, par l’ouvrage de Jean d’Arras, ''le Roman de Mélusine'' . On y lit qu’elle aurait fondé les villes de Lusignan, de La Rochelle et, de ce fait, elle est étroitement associée à l’histoire de la famille des Lusignan.

A Crozant, Mélusine se révèle être Isabelle d'Angoulême, nouvelle épouse d’Hugues X après le décès de son premier mari, Jean sans terre, le roi d'Angleterre († 1216) ...

Isabelle d'Angoulême (1188-1246), est comtesse d'Angoulême de son plein droit. A 12 ans, elle est promise au futur Hugues X, comte de Lusignan, mais le Roi d'Angleterre l'enlève et l'épouse ! En 1200, elle devient reine d'Angleterre. À la mort de Jean sans Terre en octobre 1216, son fils aîné devient roi d'Angleterre sous le nom d'Henri III.

Sceau d'Isabelle d'Angoulème

En avril ou mai 1220, elle épouse Hugues X de Lusignan, comte de la Marche, son ancien fiancé...

La comtesse-reine, comme elle se faisait appeler, a laissé dans I'Angoumois, la Marche et le Poitou une détestable réputation que la légende a exploitée...

Lorsqu'elle habitait l'Angleterre, Isabelle fit la connaissance d'un habile magicien et alchimiste qui lui enseigna son ''affreuse'' science.

Ainsi, elle se livrait à un démon qui, en signe d'esclavage, la changeait en bête, trois jours par mois, au moment de la nouvelle lune.

 

Revenue auprès de son ''premier mari'', Isabelle se fixe avec lui à Crozant où elle fait bâtir une grosse tour, dans laquelle elle place son laboratoire, car elle s'occupe d'alchimie..

Nul ne peut entrer dans cette tour sans la permission de la Comtesse et, telle est son influence sur son mari, que pendant des années, il ne cherche pas à se rendre maître de son secret.

Cependant les bruits les plus fâcheux circulent parmi les paysans : ils disent voir parfois voler une sorte de monstre jetant des maléfices, ses cris effrayant les enfants et le malheureux surpris par la bête est immanquablement déchiré...

Hugues...se résout à pénétrer le mystère dont s'entoure Isabelle... Il repère le moment où Isabelle semble devoir disparaître dans sa tour, et sous un prétexte quelconque prolonge la veillée plus tard que d'habitude. La malheureuse sentant le moment de sa métamorphose approcher, quitte brusquement son mari et s'enfuit dans la tour... Hugues la suit de près...

S'avançant prudemment Hugues pénètre jusque dans un souterrain et, au bout d'un certain nombre de pas, se trouve dans une sorte de salle où il aperçoit une forme monstrueuse endormie dans un coin...

Muet d'horreur, Hugues revient sur ses pas, ferme la porte de fer et la verrouille, puis il remonte l'escalier et sort de cette tour maudite. Après quoi, sans hésiter, il fait maçonner cette partie de la tour...

Depuis lors, on entend ''la sorcière'' pleurer et gémir sans cesse et les jours d'orage le passant attardé aperçoit la forme d'une immense chauve-souris qui vole autour des ruines de Crozant et dans les gorges qui entourent le château.

Cette histoire est rapportée par Jeanne de Sazilly, dans ''Légendes limousines''.

 

Aujourd'hui encore, il ne reste de la ''Grosse tour'' que le cachot circulaire ( sans porte !).

A suivre ...

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Le Voyage de La Fontaine, en 1663, en Limousin... 2(suite)

Publié le par Perceval

Le voyage vers le Limousin se fait relativement paisiblement, et les petites mésaventures de la route sont davantage l’occasion de passages parodiques que de grandes déplorations lyriques. Dans la forêt de Tréfou, l’équipage de La Fontaine ne rencontre pas les effroyables brigands censés la peupler: La Fontaine se contente de déplorer ironiquement que ces voleurs de grand chemin ne soient pas plus occupés à servir de chair à canon lors de guerres bienvenues...

« Tant que le chemin dura, je ne parlai d’autre chose que des commodités de la guerre : en effet, si elle produit des voleurs, elle les occupe ; ce qui est un grand bien pour tout le monde, et particulièrement pour moi, qui crains naturellement de les rencontrer », 

 

La Fontaine reprend le motif picaresque de la mauvaise auberge...

« Comme Saint-Dié n'est qu'un bourg, et que les hôtelleries y sont mal meublées, notre comtesse n'étant pas satisfaite de sa chambre, M. Châteauneuf voulant toujours que votre oncle fût le mieux logé, nous pensâmes tomber dans le différend de Potrot et de la dame de Nouaillé. (…) Potrot dit : «- Je coucherai dans ce lit-là. - Je ne dis pas que vous n'y couchiez, repartit la dame de Nouaillé, mais j'y coucherai aussi. » Par point d'honneur, et pour ne se pas céder, ils y couchèrent tous deux.
La chose se passa d'une autre manière ; la comtesse se plaignit fort, le lendemain, de puces »

La Fontaine avait lu ''Les aventures du Baron de Faeneste'' de Théodore Agrippa-d'Aubigné (1552-1630) où se trouve cette anecdote. Il cite même très-exactement les paroles que le conteur prête à ses personnages et s'amuse que finalement – dans l'histoire - les deux couchèrent ensemble, mais pas ici ...

 

A Chatellerault, La Fontaine trouve chez son hôte un siuer 'Pidoux' qui dit se rattacher à la famille de sa mère et qui avait un nez de famille. « Tous les Pidoux ont du nez et abondamment »

Fragonard - Le Savetier
« On nous asseura de plus qu’ils vivoient longtemps, et que la mort, qui est un accident si commun chez les autres hommes, passoit pour prodige parmi ceux de cette lignée. Je serois merveilleusement curieux que la chose fust véritable. Quoy que c’en soit, mon parent de Châtellerault demeure onze heures à cheval sans s’incommoder, bien qu’il passe quatre-vingts ans. Ce qu’il a de particulier et que ses parents de ChasteauThierry n’ont pas, il ayme la chasse et la paume, sait l’Escriture, et compose des livres de controverse : au reste, l’homme le plus gay que vous ayez veu, et qui songe le moins aux affaires, excepté celles de son plaisir. Je crois qu’il s’est marié plus d’une fois ; la femme qu’il a maintenant est bien faite, et a certainement du mérite. Je luy sçais bon gré d’une chose, c’est qu’elle cajeole son mari, et vit avec luy comme si c’estoit son galant ; et je sçais bon gré d’une chose à son mari, c’est qu’il luy fait encore des enfans. Il y a ainsi d’heureuses vieillesses, à qui les plaisirs, l’amour et les grâces tiennent compagnie jusqu’au bout : il n’y en a guère, mais il y en a, et celle-cy en est une. De vous dire quelle est la famille de ce parent, et quel nombre d’enfans il a, c’est ce que je n’ay pas remarqué, mon humeur n’estant nullement de m’arrester à ce petit peuple. »

 

La femme de La Fontaine, qui dit-on n'est pas une sotte... apprécie sans doute les allusions de son mari …

 

Dans une quatrième lettre écrite à Châtelleraut, La Fontaine raconte qu’il est au château d’ Amboise où fut enfermé Fouquet au cours de son transfert vers Paris après son arrestation à Angers. Il veut voir la chambre où a été enfermé Fouquet :

« on avoit bouché toutes les fenêtres de sa chambre, et on n’y avoit laissé qu’un trou par le haut. Je demandai de la voir : triste plaisir, je vous le confesse, mais enfin je le demandai. Le soldat qui nous conduisoit n’avoit pas la clef : au défaut, je fus long-temps à considérer la porte, et me fis conter volontiers la description ; mais ce souvenir est trop affligeant. » 

La Fontaine ne passe pas par Poitiers, il craint une « Ville mal pavée, pleine d’écoliers, abondante en prêtre et en moines. » S’il regrette de ne pas la connaître, c’est qu’« il y a nombre de belles », que « l’on y fait l’amour aussi volontiers qu’en lieu de la terre », et il ne doute pas que sa femme ne comprenne la cause de ses regrets !

Illustration de « La mouche et le coche »

 

Arrivé à Chauvigny, il décrit la ville comme celle « où commencent les mauvais chemins et l’odeur des aulx, deux propriétés qui distinguent le Limousin des autres provinces du monde ».

A Bellac le 19 septembre 1663, la Fontaine descend à l'ancienne hostellerie de la Pyramide - devenue aujourd'hui un magasin à l'enseigne de la " Farandole du jouet "… Là, Jean de La Fontaine écrit '' le Coche et la Mouche''.

« Autant que l’abord de cette ville est fâcheux, autant est-elle désagréable, ses rues vilaines, ses maisons mal accommodées et mal prises. Dispensez-moi, vous qui êtes propre, de vous en rien dire. On place en ce pays-là la cuisine au second étage. Qui a une fois vu ces cuisines n’a pas grande curiosité pour les sauces qu’on y apprête. Ce sont gens capables de faire un très méchant mets d’un très bon morceau. Quoique nous eussions choisi la meilleure hôtellerie, nous y bûmes du vin à teindre les nappes, et qu’on appelle communément « la tromperie de Bellac » : ce proverbe a cela de bon que Louis XIII en est l’auteur. 
Rien ne m’aurait plu sans la fille du logis, jeune personne et assez jolie. Je la cajolai sur sa coiffure : c’était une espèce de cale à oreilles, des plus mignonnes, et bordée d’un galon d’or large de trois doigts. La pauvre fille, croyant bien faire, alla quérir aussitôt sa cale de cérémonie pour me la montrer. Passé Chauvigny, l’on ne parle quasi plus français ; cependant cette personne m’entendit sans beaucoup de peine : les fleurettes s’entendent par tout pays, et ont cela de commode qu’elles portent avec elles leur truchement. Tout méchant qu’était notre gîte, je ne laissai pas d’y avoir une nuit fort douce. Mon sommeil ne fut nullement bigarré de songes comme il a coutume de l’être : si pourtant Morphée m’eût amené la fille de l’hôte, je pense bien que je ne l’aurais pas renvoyée ; il ne le fit point, et je m’en passai. »
Henri Grenaud_1883 - Limoges

Enfin, à Limoges, son opinion sur les habitants est mitigée :

« En attendant, si vous désirez savoir comme je m’y trouve, je vous dirai : assez bien ; et votre oncle s’y doit trouver encore mieux, vu les témoignages d’estime et de bienveillance que chacun lui rend, l’évêque principalement : c’est un prélat qui a toutes les belles qualités que vous sauriez vous imaginer ; splendide surtout, et qui tient la meilleure table du Limousin. Il vit en grand seigneur, et l’est en effet. N’allez pas vous figurer que le reste du diocèse soit malheureux et disgracié du Ciel, comme on se le figure dans nos provinces. Je vous donne les gens de Limoges pour aussi fins et aussi polis que peuple de France : les hommes ont de l’esprit en ce pays-là, et les femmes de la blancheur ; mais leurs coutumes, façon de vivre, occupations, compliments surtout, ne me plaisent point. »

Lettre-manuscrite-de-la-fontaine-a-sa-femme

- A Limoges ...

Jean-de-la-Fontaine-et-Madame de-la-Sabliere

Après cinq mois d'une paisible villégiature et sentant le danger écarté, Jean de La Fontaine quitte Limoges en janvier 1664.

Le galant homme avoue qu'il ne trouva aucune compagnie en Limousin… en terminant par ces vers : 

« J'y trouve aux mystères d'amour / Peu de savants, force profanes; / Peu de Phillis, beaucoup de Jeannes ; / Peu de muscat de Saint-Mesmin, /  Force boisson peu salutaire; /  Beaucoup d'ail et peu de jasmin: /  Jugez si c'est là mon affaire. »

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Le Voyage de La Fontaine, en 1663, en Limousin...

Publié le par Perceval

La vie de La Fontaine (1621-1695) ne fut marquée que par deux voyages. En 1678 il se rend à Lyon chez un banquier de ses amis. Et, auparavant en 1663, il part vers Limoges.

 

Nous pouvons lire un recueil des lettres adressées à sa femme lors de ce voyage, passant par Etampes, Orléans, Richelieu, Châtellerault, Poitiers, Chauvigny et Bellac. Écrites dans un style agréable où la prose et les vers s’entre-mêlent, elles permettent de découvrir l’itinéraire de La Fontaine, jalonné des rencontres qu’il fait et d’anecdotes. Il décrit les villes et les campagnes, et s’émerveille devant une statue ou un château…. Ce voyage s’achève à Limoges, dont il ne dit pas beaucoup de bien et où il séjournera de septembre 1663 à janvier 1664.

 

La Fontaine semble avoir été contraint à l'exil, avec son oncle Jannart, tous deux victimes de la disgrâce de Fouquet. C'est Jacques Jannart, conseiller du roi et substitut du procureur général au Parlement de Paris, qui avait épousé Marie Héricart, une tante de sa femme, qui – en 1654 - avait présenté la Fontaine à Fouquet. Il plaida, ensuite, en vers la cause de ce protecteur...

 

Fouquet est Arrêté le 5 septembre 1661 puis condamné le 4 décembre 1664 à Paris. Il est emprisonné au château d'Angers, et son épouse est '' limogée '' ! Avant même, en 1914, le maréchal Joffre qui place, ici, en résidence une centaine d'officiers qu'il juge incapables de faire face aux exigences de l'heure.

Madame Fouquet est connue pour sa vanité... Elle prend la route de l'exil à contrecœur. Tout au long du parcours, elle fera en sorte que les chevaux de son équipage freinent des quatre fers, comme l'explique l'Intendant du Limousin, Claude Pellot, venu lui présenter ses hommages à Fontenay : « Elle fait fort petites journées et va lentement, dans quelque espérance où elle est que l'on pourra changer son ordre pour aller à Limoges ». De fait, il lui faudra un mois pour rallier Limoges.

Madame l'ex-Surintendante loge dans l'abbaye de la Règle. Cette très puissante abbaye, toute proche de la cathédrale, est brillamment réformée par l'abbesse Jeanne de Verthamon au XVIIe siècle après une période de décadence. C'est elle qui accueille Madame Fouquet …  

 

Le départ de La Fontaine a lieu le 23 août 1663.
Marie Héricart
La Fontaine écrit à sa femme, restée à Château-Thierry. En 1647, il est marié avec Marie Héricart (elle a alors 14 ans), un mariage de complaisance... Dès la première lettre, il la raille avec une grâce taquine et un malicieux bon sens où se marque suffisamment leur incompatibilité. 
« Vous n’avez jamais voulu lire d’autres voyages que ceux des Chevaliers de la Table Ronde ; mais le nôtre mérite bien que vous le lisiez. Il s’y rencontrera pourtant des matières peu convenable à votre goût ; c’est à moi de les assaisonner, si je puis, en telle sortes qu’elles vous plaisent ; et c’est à vous de louer en cela mon intention, quand elle ne seroit pas suivie du succès. Il pourra même arrivé, si vous goûtez ce récit que vous en gouterez après de plus sérieux. Vous ne joüez, ni ne travaillez, ni ne vous souciez du ménage ; et hors le temps que vos bonnes amies vous donnent par charité, il n’y a que les romans qui vous divertissent. C’est un fonds bientôt épuisé : vous avez lu tant de fois les vieux que vous les savez ; il s’en fait peu de nouveaux, et parmi ce peu, tous ne sont pas bons : ainsi vous demeurez souvent à sec. Considérez, je vous prie, l’utilité que vous seroit, si en badinant je vous avois accoutumée à l’Histoire, soit des lieux, soit des personnes : vous auriez de quoi vous desennuyer toute votre vie, pourvû que ce soit dans l’intention de ne rien retenir, moins encore de ne rien citer : ce n’est pas une bonne qualité pour une femme d’être savante, et s’en est une très mauvaise d’affecter de paroître telle. »
Dans ses lettres plusieurs passages tendent à confirmer que La Fontaine n'a plus à craindre ou qu’il s’amuse à exciter la jalousie de sa femme. Mais, la relation du couple n’a jamais été bonne, les infidélités réciproques faisant le reste....

 

A Bourg-la-Reine, La Fontaine et son ami, prennent un carrosse de Poitiers :
« (...) en récompense trois femmes, un Marchand qui ne disoit mot, et un Notaire qui chantoit très-mal ; il reportoit en son pays quatre volumes de chansons. Parmi les trois femmes, il y avoit une Poitevine qui se qualifioit contesse ; elle paroissait assez jeune et de taille raisonnable, témoignioit avoir de l’esprit, déguisoit son nom, et venoit de plaider en séparation contre son mari ; toutes qualitez de bonnes augures, et j’y eusse trouvé matière de cajolerie si la beauté ne s’y fut rencontrée, mais sans elle rien ne me touche, c’est à mon avis le principale point. Je vous défie de m’y faire trouver un grain de sel dans une personne à qui elle manque. »
La Fontaine, semble, malgré lui, contraint de se presser :
« Je remets la description du château à une autre fois, afin d’avoir plus souvent l’occasion de vous demander de vos nouvelles, et pour ménager un amusement qui vous doit faire passer notre exil avec moins d’ennui. » (lettre de La Fontaine, 5 septembre 1663)

M. de Châteauneuf, est chargé de s'assurer que le déplacement est rapide...

« Je n’eus pas assez de temps pour voir le rempart […]. (30 août 1663 ( …) Nous n’eûmes pas le loisir de voir le dedans [château de Blois] »
« De Cléry à Saint-Dié, qui est le gîte ordinaire, il n’y a que quatre lieues, chemin agréable et bordé de haies ... »

A suivre ....

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Voyager en France au XVIIIe siècle

Publié le par Perceval

La Turgotine

La Turgotine

En ce début de ''vacances'' … Nous quittons Paris, vers le Limousin...

Nous quittons – en ces temps anciens – avec J. L. de la Bermondie, les salons, les ''Lumières'' sur la philosophie, etc … Mais, nous ne quitterons sans-doute pas les grandes questions du moment... ( la ''Révolution'' se prépare …)

Quitter Paris, pour Limoges, en ce XVIIIe siècle, demande du temps à consacrer au voyage

En 1676, Mme de Montespan gagne Vichy dans une calèche attelée à 6 chevaux, et plus modeste, Mme de Sévigné, pour l’y rejoindre, se contente d’un simple carrosse à 4 chevaux et ne met que 9 jours parce qu’elle a de bons chevaux ! Au XVIIe siècle, quelques carrosses publics qui se rendaient de Paris à Lyon en cinq jours en été, six jours en hiver, étonnèrent tellement le public par leur rapidité qu'on leur donna le nom de 'carrosses de diligence', ou plus brièvement, de diligences. 

Vers 1680, Mme de Sévigné mettait dix jours pour se rendre de Paris à Rennes et un mois de Paris à Grignan.

 

L’Ecole des Ponts et Chaussées est créée en 1747. En 1761, un ingénieur limousin, Pierre Trésaguier, reprend la technique romaine en utilisant le principe des deux couches inversées. Les routes se développent mais sont mal entretenues. Toutefois de nombreuses entreprises assurent un service de diligence.

La voiture (le coche) était généralement traînée, comme dans la fable de La Fontaine, par six forts chevaux conduits par deux cochers montés en postillons. L'adjonction de chevaux de renfort était souvent nécessaire. Dans certains passages difficiles, les chevaux étaient même quelquefois remplacés par des bœufs... Il y eut cependant des progrès sensibles réalisés sur certaines routes, au point de vue de la vitesse, au cours du XVIIe siècle...

Vers 1760 les diligences sont des voitures énormes, pouvant transporter 16 voyageurs, compartimentées : à l’avant le coupé (3 places de luxe), l’intérieur où l’on trouve 2 banquettes de 3 places chacune, en vis-à-vis, et à l’arrière, la rotonde comprenant 2 places. L’impériale comporte 3 places, les moins chères, donc exposées aux intempéries. 5 chevaux tirent difficilement cet attelage de 5000 kg et dans les montées difficiles, tout le monde descend pour permettre aux pauvres bêtes de les franchir ! ! Quand il ne faut pas pousser au derrière de la voiture ! ! Au mieux, au XVIIIe siècle, on fait du 7km/heure …

Créée par Roubo vers 1770, cette diligence, qui effectuait le trajet de Paris à Lyon en cinq jours l'été et six jours l'hiver

En 1782, d'après la Liste générale des Postes, la durée du voyage de Paris à Marseille était de 13 jours ; à Toulouse, de 8 jours ; à Bordeaux, de 6 jours ; à Lyon, de 5 jours ; à Strasbourg, de 4 jours ½ ; à Calais, de 3 jours; à Lille, de 2 jours. 

Cependant, on voyageait toujours beaucoup à cheval et cet usage ne disparut pas au XVIIIe siècle, même en présence du développement intense de la circulation en voiture. Ceux qui ne possédaient pas leur monture personnelle trouvaient facilement à louer des chevaux et cheminaient flanqués d'un compagnon chargé de ramener la bête à son écurie. Lorsque le service de la poste aux chevaux fut complètement organisé, les relais fournirent des bidets aux cavaliers qui couraient la poste. 

Les voyageurs à cheval désireux de s'affranchir de tout souci et de s'assurer des compagnons, avaient coutume de s'entendre avec les Messagers à cheval, qui avaient joint au transport des dépêches et des paquets le rôle de conducteurs de caravanes et de véritables entrepreneurs de voyages à forfait. 

L'auteur des Délices de France, dans son édition de 1728, vantait fort les charmes, de ce type de voyage : « Le Coche est la plus agréable voiture, quand on veut avoir l'entretien des femmes, rire, jouer et se divertir en compagnie; mais le Messager est encore plus divertissant quand on veut être avec des gens de qualité, d'esprit et de mérite, et si en veut faire des connaissances dans toutes les provinces du Royaume. Au reste, on est sans soin de sa vie ni de son cheval ; on fait toujours bonne chère, et on rit à ventre déboutonné, parce qu'il y a toujours des esprits divertissants, ou quelque niais, qui font rire toute la troupe ( Les Délices de la France, ou description des provinces, villes. 1728, ). 

En 1770, un messager circulait encore entre Paris et Toulouse, et, d'une ville à l'autre, prenait 280 francs à ses voyageurs « montés et nourris». 

d'après une peinture à l'huile de Sauerveld (1783-1844) - avec Turgotine

A la fin du XVIIIème siècle, il existait en France 1200 relais de poste, au long des 9500 km de routes alors desservies par les voitures publiques.

On peut aussi, comme Jean-Jacques Rousseau voyager à pied :

« Combien de plaisirs différents on rassemble dans cette agréable manière de voyager, sans compter la santé qui s affermit, l'humeur qui s'égaie. J' ai toujours vu ceux qui voyageaient dans de bonnes voitures bien douces, rêveurs, tristes, grondants ou souffrants ; et les piétons toujours gais et contents de tout. Combien le cœur rit quand on approche du gîte ! Combien un repas grossier paraît savoureux ! Avec quel plaisir on se repose à table ! Quel bon sommeil on fait dans un mauvais lit ! Quand on ne veut qu'arriver on peut courir la poste ; mais quand on veut voyager, il faut aller à pied. » ( L’Émile)

Encore un détail caractéristique du voyageur, sur la question du ''coucher''... : La conquête des lits était une des préoccupations en voyage, et l'on a coutume de citer à cet égard la plaisante aventure contée, par La Fontaine, et dont il avait été témoin au cours d'un voyage en Limousin, au mois de septembre 1663 : Celle concernant le sieur Potrot, et la dame de Nouaillé... ( à lire plus loin ...)

Cette contestation devait se renouveler souvent, car, dans les anciennes hôtelleries, les chambres à un seul lit étaient rares. On devait, la plupart du temps, accepter de loger dans des chambres à lits multiples et souvent même de partager son lit avec des inconnus. Ce fait se reproduisait assez souvent pour être prévu dans les manuels de savoir-vivre, et un Traité de la Civilité, publié en 1702, indiquait les règles de la bienséance à observer en pareil cas. On retrouvait même encore, au XVIIe siècle, dans certaines auberges, quelques-uns de ces vieux et vastes lits de pèlerins, où, jusqu'à ce qu'ils fussent complètement remplis, on entassait, tête-bêche, six ou huit dormeurs se connaissant à peine ou ne se connaissant pas du tout, promiscuité à laquelle Madame de Chevreuse, lors de sa fuite en Espagne en 1637, sous un déguisement masculin, préférait le lit de foin d'une grange. 

Fin du XVIIIe siècle, à La Bourboule, Monnet – inspecteur général des mines - descend à la seule auberge de l'endroit, tenue par deux accortes demoiselles, personnes « assez présentables, s'exprimant noblement et lisant Rousseau ». Il n'y avait là qu'une seule chambre autour de laquelle se trouvaient quatre lits. Le temps étant fort laid, les jeunes hôtesses s'efforcent de retenir le voyageur pour la nuit : « J'aurais, écrit-il, couché là comme au bon vieux temps. J'aurais conversé de mon lit avec mes belles, comme c'était encore l'usage dans le pays. Je les aurais régalées de quelques contes. Mais je ne pouvais manquer de parole à ma fille Marguerite et la laisser coucher seule (au Mont Dore) dans une chambre où étaient logés plusieurs étrangers ». ( Voyage en Auvergne, de Monnet)

A Pont-de-Lunel, J.- J. Rousseau trouvait dans une auberge isolée au milieu de la campagne, « une table fournie en poisson de mer et d'eau douce, en gibier excellent et en vins fins ; tout cela pour 35 sols ». 

Sources: En particulier des Extraits de : Le Voyage en France... de L. Bonnard, 1927

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Le Mythe arthurien du Graal -3/.-

Publié le par Perceval

La procession du Graal devant Perceval et le Roi pêcheur

La procession du Graal devant Perceval et le Roi pêcheur

A la suite de ces rappels historiques et religieux...

Revenons-en, au principal : Quelle est le thème ( enrichi par le christianisme) de cette histoire :

Résumé :

de Piet van der Ouderaa (Belgian painter)

«Un roi infirme et son royaume sont l'objet d'une sorte d'enchantement qui se traduit par toutes sortes de maux. Cela résulte d'un événement antérieur, le « coup félon » qui a blessé le roi et fait perdre du même coup sa richesse à sa terre. C'est là ce qui a occasionné la destruction du « royaume de Logres » et la misère de tous. Pourtant un espoir subsiste : cet enchantement pourra être dissipé par la venue d'un chevalier prédestiné. Celui-ci doit se distinguer non seulement par ses prouesses, mais par la pureté du cœur et par sa sainteté qui se manifeste parce qu'il est seul à pouvoir découvrir le Graal. Ce sont les bien faits inhérents au sacrement eucharistique qui par l'intermédiaire du Héros du Graal font retrouver au roi et à son royaume la santé et la prospérité. »

 

Remarquons d'abord que l'idée dominante du sujet, la notion autour de laquelle gravite et s'ordonne toute l'histoire, c'est l'idée de messianisme. Au château du Graal on espère ardemment, on attend la venue d'un sauveur.

Or cette attente c'était celle du peuple breton depuis des siècles. … L'espoir du retour d'Arthur s'était transformé dans l'Historia Regum Britanniae en un messianisme de caractère religieux. Et, avec Geoffroy de Monmouth, le dogme de l'Eucharistie prend une signification incomparablement plus large; le sacrement représente avec une évidence accrue la promesse d'une vie nouvelle....

 

Sir Galahad, by Joseph Noel Paton

On peut dire qu'à la fois le royaume de ce monde selon l'Ecriture et la souveraineté déchue de la Bretagne espère inlassablement un sauveur. Le moyen âge se plaisait à ces allégories. Mais ce sauveur ici ne devait pas être Arthur, d'abord parce que l'Église s'efforçait de mettre fin à la superstition de son retour ….

De plus, un autre idéal tente de remplacer celui qui alimentait les légendes celtiques, c'est celui des croisades, des ordres nouveaux de chevalerie, le dogme de l'Eucharistie... Tout cela se conjugue pour donner naissance à un type de sauveur beaucoup plus spiritualisé et ayant un caractère d'universalité: le Héros du Graal dont Perceval sera en quelque sorte l'ébauche et Galaad le type achevé. Evolution admirable et au surplus fort habile que celle qui va d'Arthur, figure encore si païenne, si proche des divinités celtiques, à Galaad, le chevalier parfait, pure image de la mystique selon Saint-Bernard...

 

Le mythe arthurien passe de la Légende bretonne, à une dimension générale ; ce que vont assumer les écrivains qui, après Chrétien de Troyes, ont repris ce thème et n'ont été aucunement gênés par son caractère. Grâce à eux l'histoire du Graal a pris les dimensions grandioses qui sont les siennes dans le Lancelot et dans la Queste ; en même temps son sens s'est enrichi jusqu'à lui faire exprimer, dans celle-ci surtout, des vérités d'ordre religieux qui étaient sans doute fort loin de la pensée initiale des conteurs bretons.

 

Sources : Daniel de Séchelles L'évolution et la transformation du mythe arthurien dans le thème du Graal. In: Romania, tome 78 n°310, 1957. pp. 182-198

 

LES CROISADES, LES TEMPLIERS ET LE GRAAL. -1/.-

 

LES CROISADES, LES TEMPLIERS ET LE GRAAL. -2/.-

 

 

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Le Mythe arthurien du Graal -2/.-

Publié le par Perceval

L'oeuvre de Chrétien de Troyes (1130-1190) comme celle de Robert de Boron (~ 1200), qui font la fortune littéraire du thème du Graal en lui donnant une impulsion décisive, se situent précisément pendant cette période propice aux nouveautés, dont nous venons de parler précédemment … .

 

Une importante évolution théologique porte sur la question de l'Eucharistie et le dogme de la transsubstantiation. Jusqu'alors la Cène était commémorée et on consommait ce qui était consacré...

Une fois la cérémonie terminée, le sanctuaire n'était plus considéré comme abritant la présence divine. Ce n'était en somme que le lieu de rassemblement des fidèles. La liturgie restait simple et sans faste... Peut-être l'influence des cultes orientaux éveille peu à peu le désir de rituels flamboyants ..

Ce fut au XIIe siècle que l'Eglise en arrive après de longues controverses, à admettre que la Présence Réelle, se maintenant dans les espèces du pain et du vin en dehors du sacrifice de la messe, devait faire l'objet d'un culte particulier ( 1215, par le concile de Latran )

Changement immense, on le conçoit, car de ce fait le sanctuaire devient aux yeux des fidèles la demeure permanente du Seigneur. Il en résulta des conséquences immédiates dans la liturgie, dans l'architecture et dans tous les arts religieux. Dès lors le tabernacle, qui n'avait aucune raison d'être auparavant, s'élève sur l'autel, les offices donnent lieu à des rites toujours plus complexes et les cités rivalisent pour construire de riches sanctuaires. Le début du XIIIe siècle est l'époque où l'on voit s'élever partout en Europe les cathédrales.

Au moment où Chrétien de Troyes écrit le Conte du Graal en 1180, l'unanimité est encore loin d'être complète à cet égard dans l'Église.

Dans la fameuse scène du cortège le vase sacré irradie une merveilleuse clarté mais les assistants ne semblent pas y prêter attention. L'auteur n'indique pas qu'ils aient une attitude de recueillement.

Cette indifférence des personnages de Chrétien de Troyes pourrait sembler en contradiction avec la nouvelle signification religieuse du récit … Certains y voient une vision païenne du sujet ; à moins que Chrétien de Troyes n'ait un esprit assez profane...

Chez Robert de Boron, il en est déjà tout autrement. L'apparition du Graal ne se produit plus au cours d'un festin, mais elle donne lieu à un culte et les richesses qu'on lui doit sont d'ordre spirituel. Les assistants se recueillent et le vieux roi bat sa coulpe en présence du Vase sacré. Par la suite chez les auteurs de Continuations, et surtout dans le Lancelot, l'apparition du Graal est prétexte à une mise en scène toujours plus riche, et, détail important, la jeune fille qui le porte (!) ne le tient plus comme un ciboire, mais elle l'élèves au-dessus de sa tête comme un ostensoir.

Enfin dans la Queste del Saint Graal, il est entouré d'anges qui s'acquittent d'une véritable liturgie, tandis que des saints et des bienheureux descendent du ciel et que le Christ lui-même se montre aux assistants. Tout cela ne fait que traduire les tendances qui se font jour peu à peu dans l'Eglise. Il existe un synchronisme évident entre l'évolution des dogmes concernant l'Eucharistie et la transformation du sujet ( la légende arthurienne)

Arthur et Guenièvre (Lancelot Ms Fr118)

On n'ignore pas que Chrétien qui a passé presque toute son existence d'écrivain à la cour de Marie de Champagne, a déjà composé plusieurs romans sur des sujets arthuriens; Marie elle-même lui a fourni les canevas de certains d'entre eux. Cette fois encore, le décor, les noms des personnages, les traits de moeurs, etc... révèlent une origine bretonne. On sait aussi que le conte du Graal a été écrit sur la demande de Philippe d'Alsace mais à l'intention de Marie qu'il désirait épouser. Or Marie était fille d'Aliénor d'Aquitaine qui était devenue reine d'Angleterre et qui a joué un rôle de première importance comme protectrice des Lettres. Il est permis de supposer que c'est à la cour des Plantagenets ou au moins dans son entourage que vit le jour le livre dont s'est servi Chrétien de Troyes. C'est là que les conditions étaient les plus favorables à la synthèse des éléments qui se sont unis pour former le thème du Graal : d'une part le messianisme incontestable qui caractérisait les Bretons depuis des siècles, d'autre part les notions religieuses concernant le sacrement eucharistique dont l'importance était devenue primordiale.

Sources : Daniel de Séchelles L'évolution et la transformation du mythe arthurien dans le thème du Graal.

 

ORIGINE ET DESTIN ... DU "CONTE DU GRAAL"

 

L'HISTOIRE DU MYTHE DU ROI ARTHUR - 2/4 -

 

ROBERT DE BORON: LE GRAAL, ET MERLIN

 

LA "QUESTE DEL SAINT GRAAL": ROMAN DU XIIIE S.

 

LA LITTÉRATURE MÉDIÉVALE SUR LE GRAAL EN SUIVANT LA CHRONOLOGIE...

 

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Le Mythe arthurien du Graal -1/.-

Publié le par Perceval

Le Graal procède du Mythe Littéraire, même si l'objet de ce mythe est bien antérieur, à l'oeuvre littéraire … Le mythe du Graal se rattache à l'histoire du Christianisme, sachant qu'il est aussi une transformation, dans le sens chrétien, du Mythe breton, celte... Revoyons ce que l'on peut dire de son histoire, puisque cela en assoit - en quelque sorte - sa légitimité

A l'origine de cette histoire un peuple breton qui ne peut oublier qu'il a été dépouillé par les saxons ; et sans doute l'espoir du retour d'un chef prestigieux, le Roi Arthur : le seul qui ait infligé aux saxons des défaites... On se raconte une légende selon laquelle Arthur, après avoir été grièvement blessé, avait été emmené dans l'île d' Avalon où il était soigné par des fées. William de Malmesbury ( moine bénédictin (vers 1090/1095 – vers 1143)) le rapporte dans ses Gesta Regum Anglorum en 1125

Malmesbury Abbey en 1792

Après la bataille d'Hastings, Guillaume le Conquérant et ses barons deviennent les maîtres de l'île de Bretagne ; les normands considèrent les croyances ( redevenues) païennes des bretons comme des superstitions dangereuses théologiquement et politiquement …

 

Dans les quelques vies de saints gallois : saint Cadoc, saint Patern, saint Carantoc, que l'on estime avoir été écrites peu de temps après l'arrivée des Normands. On remarque qu'Arthur n'y est pas toujours présenté sous un jour favorable. Le moine normand William de Malmesbury reconnaît certes qu'Arthur a été un grand chef mais il ne cache pas son dédain pour les ''fables'' dont il est l'objet …

 

 

Geoffroy de Montmouth ( évêque et historien anglo-normand ( 1100-1155) au service du roi Henri Iᵉʳ d'Angleterre) , breton d'origine, écrit l'Historia Regum Britanniae, qui est dédiée à Robert comte de Gloucester.

Le roi Arthur In Geoffroy de Monmouth Prophetia ...

Dans son récit Arthur est un roi magnifique et un grand conquérant. Après la grandiose épopée arthurienne, il dépeint la Bretagne conformément à la tradition populaire dans un état de profonde déchéance. Les Saxons triomphent et toutes sortes de calamités : peste, famine, etc... s'abattent sur le pays. Cadwallader, son dernier roi, se réfugie en Bretagne armoricaine;. là un ange lui annonce que son peuple renaîtra un jour « par le mérite de sa foi », mais ces temps ne sont pas encore venus. Il ordonne à Cadwallader de se rendre à Rome auprès du pape Sergius et c'est là-bas, ajoute le messager, qu'il mourra en état de sainteté. Le jour où ses reliques seront rapportées en Bretagne verra la résurection de son pays

 

Dans la Vita Merlini qui date de 1148 environ, le rôle de messie est également refusé à Arthur par Merlin dans un colloque où Taliessin conseille d'envoyer des messagers vers l'île d'Avalon afin de ramener le grand roi pour chasser les Saxons. C'est Cadwallader ainsi que Conan qui, selon les prophéties de Merlin, doivent être plus tard les libérateurs du pays. Du retour d'Arthur, il n'en est pas question....

Bouclier Epée Plantagenets

 

L'année 1154 qui voit arriver les Plantagenets en Angleterre est aussi celle de la mort de Geoffroy de Monmouth. Dès 1155 paraît le Brut de Wace, première adaptation en français de L'Historia. Puis à partir de 1162 environ s'échelonnent les oeuvres arthuriennes de Chrétien de Troyes.

 

Enfin, pour en finir avec cette croyance au retour d'Arthur, c'est la prétendue découverte qui eut lieu en 1191 de la tombe du grand roi à Glastonbury. Dans ses Gesta Regum Anglorum William de Malmesbury raconte que l'on avait trouvé dans le Sud du Pays de Galles la tombe de Walwen ou Gauvain, neveu d'Arthur « Mais, ajoute-t-il, le tombeau d'Arthur ne se voit nulle part et c'est pourquoi de vieilles fables racontent qu'il reviendra ».

Pour mettre fin de manière définitive à ces croyances qui étaient un reste évident de paganisme, il n'y avait donc pas de meilleur moyen, semblait-il, que d'annoncer qu'on avait découvert les restes d'Arthur.

Glastonbury Abbey

On sait que Glastonbury, qui est situé entre la Cornouailles et le Pays de Galles et qui, de ce fait, se trouvait au moyen âge à proximité immédiate des populations celtiques, est considéré comme ayant été un foyer très ancien de christianisme en Angleterre. Primitivement, c'était un sanctuaire druidique important et il semble que dans les récits gallois et irlandais sa colline entourée de marais soit identifiée à l'île d'Avalon, le séjour d'Arthur.

C'est là que se seraient établis les premiers apôtres qui vinrent évangéliser le pays, c'est-à-dire selon la légende, Joseph d'Arimathie et ses compagnons apportant le Graal. Ils y fondèrent l'église appelée par la suite « Vetusta Ecclesia » qui fut intégrée dans la célèbre abbaye. A l'arrivée des normands celle-ci tomba sous leur influence et lors de la découverte de la tombe d'Arthur en 1191 son abbé était Henri de Sully apparenté de fort près au roi Henri II Plantagenet . Il y a là, il faut l'avouer, un ensemble de faits, qui, s'il ne suffit pas encore à établir un rapport entre le mythe arthurien et le thème du Graal, n'en n'est pas moins à remarquer.

 

D'autre part, au XIIe siècle, les Croisades vont modifier les conceptions religieuses chrétiennes...

Rappelons que la première croisade débuta en 1096, soit trente ans après l'arrivée des normands en Bretagne tandis que la seconde est de 1147 et la troisième de 1186. La fondation des grands ordres de chevalerie prend place entre la première et la seconde Croisade.

Sources : Daniel de Séchelles L'évolution et la transformation du mythe arthurien dans le thème du Graal.

L'HISTOIRE DU MYTHE DU ROI ARTHUR -1/4 -

SUR LES PAS DU ROI ARTHUR -6/.- GLASTONBURY

SUR LES PAS DU ROI ARTHUR -7/.- GLASTONBURY TOR

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Les ''Lumières'', la raison et le Mythe.

Publié le par Perceval

Thor

Il est vrai que des mythes ont pu – à certaines époques – être considérées comme des croyances, voire des savoirs...On ne sait plus bien ce que nous entendons par ''mythe''. Sous-tend-il une religion qui y exprimerait ses croyances ? N'est-il qu'un conte ?

Au XVIIIe siècle, les mythes grecs avant les mythes égyptiens sont reconnus comme tels : on évoque alors les dieux païens, et on les rattache à un genre littéraire qu'on appelle ''fable ''...

 

On va dire que le mythe est un récit, explicatif sur le monde, nos origines … ( pas le conte...). La légende est, elle, rattachée à un lieu, et même à un temps historique...

En février 1616, Galilée est convoqué au Vatican

Pour ce qui concerne le mythe, il faut aller plus loin; en effet : « L’existence d’un monde invisible qui sous-tend le monde visible est l’objet même du mythe » (Joseph Campbell, puissance du mythe). C'est ce ''monde invisible '' qui nous rattache à la croyance, et à la religion... On ne peut dire si ce monde est vrai ou non …

Le mythe est une chose malléable, mouvante, qui explore des imaginaires et même s'il sous-tend une religion, il ne se fixe jamais définitivement en un dogme.

 

Le mythe est-il premier ? Non … Car, avant son énonciation en une histoire à transmettre, il n'est peut-être que le reflet d'un rite, ou d'une croyance plus ancienne … !

 

Peut-il y avoir un usage rationnel du mythe ? Même si le Mythe est considéré, comme un objet provenant de l'imagination, et n'en suppose pas la croyance...

Manifestement, les philosophes font usage eux-mêmes des mythes,

Les Noces de Thétis et de Pelée avec Apollon et le concert des Muses. - Hendrick van Balen.et Jean Brueghel

Leibniz note que la ''réminiscence'', « toute fabuleuse qu’elle est, n’a rien d’incompatible, du moins en partie, avec la vérité toute nue ». Nouveaux essais sur l’entendement humain, préface (dans certaines éditions, Avant-propos), GF édition Jacques Brunschwig p. 40.

En note, je signale que la ''réminiscence''dans la pensée de Platon, est le ressouvenir par l'âme de connaissances qu'elle a acquises en dehors de son séjour dans un corps et qu'elle a perdu lors de sa réincorporation. 

Idée reprise par Descartes, dans sa cinquième Méditation : « …je conçois une infinité de particularités touchant les nombres, les figures, les mouvements, et autres choses semblables, dont la vérité se fait paraître avec tant d’évidence et s’accorde si bien avec ma nature, que lorsque je commence à les découvrir, il ne me semble pas que j’apprenne rien de nouveau, mais plutôt que je me ressouviens de ce que je savais déjà auparavant… ». Ce qui explique pourquoi la ''démonstration '' nous permet d'accéder à une connaissance... Et aussi, : comment l’accès au mythe, nous permet de réfléchir sur nous-mêmes …

Frida Kahlo & Diego Rivera

Aussi, même si, le récit biblique devient mythe ( pour le non-croyant), on peut en saisir un sens … Et pour aller plus loin ; je rajouterai que : Croire doit être reconnu comme une manière de penser, comme n'importe quelle autre pensée ! Donc, ''croire'' est aussi manière de raisonner, et la raison ne peut en être exclue ...

Et depuis Kant... Même la raison, je le rappelle, ne peut se faire qu'une idée approximative et fragmentaire de '' la chose ne soi ''. On ne se fait que l'idée ou la perception qu'on s'en fait, de "la chose perçue ou connue".

 

Jung ( pour en revenir au mythe), écrit que « Dans les 150 années écoulées depuis la critique kantienne de la raison pure, l'idée s'est progressivement imposée que la pensée, la raison, l'entendement, etc., ne sont pas des processus existant en soi, affranchis de toute relativité subjective et soumis seulement aux lois éternelles de la logique, mais des fonctions psychiques ... » (C. G. Jung, Correspondance, tome l, p. 1 72 )...

S'il reconnaît les limites de la raison humaine et son incapacité à appréhender l'essence ultime des choses. Comme nous le savons, il n'en accorde pas moins une importance fondamentale aux Mythes. Sur le chemin de l'individuation, chacun doit répondre à cette question : « Quel est ton mythe ? »

Je reviendrai donc la prochaine fois sur le Mythe du Graal...

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