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La Grande Guerre, Myrrha Borodine et le Graal. -2-

Publié le par Régis Vétillard

Le Conte du Graal ( Chrétien de Troyes) - La procession du Graal.

La question de la porteuse du Graal. Le vase eucharistique est entre les mains d'une « demoiselle bêle et gente et bien asesmee » ; ce qui signifierait pour les ''folkloristes'' qu'il n'est pas signe chrétien, mais celte, puisque les femmes au Moyen-âge ne pouvaient porter le ciboire...

La réponse de Myrrha, est que tout, ici, est symbole ; et la porteuse du Graal est ici la « figure » de l'Église. Figure fréquente « d'une femme belle et d'allure noble, parfois couronnée, parfois nimbée seulement, personnifiant la Nouvelle Loi, en opposition à l'ancienne, à la Synagogue aux yeux bandés »...

Nous avons plusieurs exemples de cette représentation dans nos églises...

 

Pour ce qui est du Graal, le chrétien y voit ce qu'il contient : l'Hostie ou le Christ de la Présence réelle, et la Lumière qui en émane, manifeste la divinité...

- Et, le Graal chez Chrétien est-il saint en lui-même ou seulement à cause de son contenu?

Pour le chrétien, il s'agit d'un objet rituel, ''sacralisé'' lorsqu'il est en service ; mais ce n'est pas un objet ''magique'' en soi... Robert de Boron, en fait une ''relique'', puisque le Christ y mangea, et Joseph d'Arimathie y recueillit le sang des plaies du Christ...

Le Graal étant le ciboire, le tailloir doit-être la patène, sur laquelle s'effectue la fraction de l'hostie, au moment de la préparation des espèces. Le Graal ne contient que l'Hostie seule... La Lance, qui représente le principe de permanence, saigne perpétuellement et elle ouvre la marche au Château du mystère eucharistique.

Nous sommes à l'époque de l'apparition d'un nouveau culte : l'élévation-adoration de l'Hostie ; dévotion spécifiquement occidentale née au milieu du XIIè siècle, devenant plus tard l'Ostension, ce qui fut l'origine de la future Fête-Dieu.

Le cortège du Graal, offre un signe '' la Lance qui saigne'' ; et qui nous renvoie à la relique de la célèbre Lance d'Antioche rapportée en France dès la première Croisade.

La Lance, saigne, pleure le sacrifice et représente la Source du fleuve de rédemption qui va laver le monde : elle désigne le Baptême et l'Eucharistie.

Pour Myrrha, se noue une longue chaîne de symboles de l'arbre de vie du jardin d'Eden à l'arbre de la Croix ; et c'est toujours le double registre de l'intelligible et du sensible où s'épanouit le symbolisme originel singulièrement apte à saisir les rapports secrets des valeurs.

« Le fruit qu'Adam n'a pas goûté (celui de l'Arbre de Vie) a préfiguré le Corps du Seigneur qui aujourd'hui est posé sur votre langue et dans votre coeur» hymne de communion d'une liturgie jacobite syrienne...

C'est la même Lance qui tue et qui rend la vie, blesse, guérit et sauve...

 

N'oublions pas Perceval, malheureux spectateur d'une scène qu'il ne comprend pas...

 

Dans le Conte du Graal, Perceval, jeune homme impatient quitte brutalement sa mère, la Veuve-dame... A un jet de pierre, il se retourne et voit derrière lui sa mère qui vient de choir « pâmée » à l'entrée du pont-levis : elle gît là comme morte. « D'un coup de baguette, Perceval cingle son cheval sur la croupe : la bête bondit et l'emporte à grande allure parmi la forêt ténébreuse»... Le souvenir de ce corps inanimé va l’accompagner, et le culpabiliser...

Je ne reviens pas ici, sur tous les épisodes du conte, mais me questionne avec la lecture qu'en fait Myrrha, sur son aventure au Château du Graal.

Perceval se tait, alors qu'il ne manque pas de curiosité, il brûle du désir de connaître et d'interroger sur l'énigme du Cortège... Il se tait, parce que le prud'homme, Gornement de Gorre lui a enjoint de se méfier de parler : « Ne parlez pas trop volontiers. Qui parle trop prononce des mots qui lui sont tournés à folie. Qui trop parle fait un péché, dit le sage. »

D'ailleurs, comment pourrait-il savoir qu'il existe un lien entre ce défilé auquel l'assistance ne prête pas la moindre attention, et l'infirmité, si discrètement avouée, de l'hôte royal qui préside le magnifique festin

 

Ce qui hante Perceval, c'est sa mère, sa chute et ce qu'elle est devenue...

« Sans cesse il fait prière à Dieu, le Père Souverain, Lui demandant, s'Il le veut bien, de trouver sa mère en bonne vie et en santé. ». Il priait toujours quand, descendant d'une colline, il parvient à une rivière. L'eau en est rapide et profonde. Il n'ose s'y aventurer. "Seigneur, s'écrie-t-il, si je pouvais passer cette eau, je crois que je retrouverais ma mère si elle est encore en ce monde! »

 

Après sa visite ''manquée'' au château sa cousine inconnue, lui annonce à l'improviste la cruelle nouvelle : sa mère est morte de douleur « au chief du pont » où il l'avait vue tomber, où il l'avait abandonnée. Mort, qui de fait est la cause profonde de sa mésaventure au Château... Et c'est à présent, que le mystère lui est révélé, tout au moins en partie...

II lui fallait poser la double question libératrice, - pour le Graal, «.cui an an sert», et – pour la Lance, pourquoi saigne-t-elle ?

Son échec est lié à son « péché » … Péché ne signifiant pas une faute liée à la morale, mais à la culpabilité d'un acte ''existentiel'' qui n'était pas juste...

 

A présent... Le passé est bien mort pour lui. A nouveau il s'engage, plus seul que jamais, sans but devant lui, dans la Gaste forêt aventureuse. La rémission, la rédemption est par là...

 

Puis, un épisode que j'aime bien …. Celui des '' trois gouttes de sang sur la neige fraîchement tombée ''… Il voit le visage de la bien-aimée. Rêverie profonde, véritable extase à rapprocher de l'état de transe quasi mystique de Lancelot, dans La Charrette, à la vue subite de la reine Guenièvre, prisonnière de Méléagant, à la fenêtre de sa tour. Le même Lancelot - cette fois dans la Queste - se retrouve dans un état semblable, plus profond encore, lors de son unique vision du Graal.

 

Pour Perceval, c'est le retour prochain à Dieu et à l'Église, avec la rencontre d'un groupe de nobles pénitents, hommes et femmes, tous pieds nus. « Un des chevaliers, surpris péniblement par l'attitude de défi du chevalier, aborde l'impie qui n'a même pas désarmé « au grand jour où Jésus-Christ est mort pour nous»; et il lui parle gravement, rappelant en termes émus ce que fut, ce qu'est la Passion rédemptrice. Perceval l'écoute avec une attention passionnée, intense. A coup sûr, c'est la catéchèse la plus complète qu'il ait entendue de sa vie. L'effet en est instantané, foudroyant : « Et cil qui avoit nul espans/de jor ne d'ore ne de tans/tant avoit an son euer ennui » revient à lui subitement. C'est son chemin de Damas, c'est l'éblouissement de la Grâce. Et les larmes du repentir jaillissent, tombent en rosée sur ce cœur endurci et aride.

 

Perceval rejoint au plus vite un ermite ; et après deux jours de jeûne, ordonné comme pénitence, et de recueillement auprès de cet oncle-ermite, qui révèle à Perceval une partie du mystère eucharistique dont il fut l'aveugle témoin, le chrétien réconcilié communie - très probablement la première fois de sa vie - au matin de la Résurrection pascale.

L'exhortation du saint vieillard tient en trois mots : « Dieu croi, Dieu aime, Dieu adore » Puis, c'est l'oraison que l'ermite souffle à l'oreille à Perceval, si elle est de l'ordre du mystère, elle n'a rien à voir avec de « segretes paroles » du ''Joseph'' que doivent se transmettre les gardiens du Graal.

Ici, l'oraison a un caractère personnel intime : prière secrète d'intervention ou de secours immédiat d'une âme en péril : L'initiation propre, la voilà; c'est la Grâce renversant le dernier obstacle à sa libre expansion, ouvrant la vie et rendant la pleine liberté au vouloir humain.

 

De toute évidence, le premier en date des héros du Graal, Perceval, présente - face à Gauvain, incarnation du chevalier « terrien » - le type même de l'homme providentiel qui, à travers le sombre passage («Perceval»), poursuit seul la route de la souffrance purificatrice. Pour cette raison, il atteindra le but lointain, achèvera un jour ici-bas sa mission.

Sources : ( Le Conte del Graal de Chrétien de Troyes et sa présentation symbolique, par Myrrha Lot-Borodine)

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La Grande Guerre, Myrrha Borodine et le Graal. -1-

Publié le par Régis Vétillard

Le père Degoué, simple abbé de Mayenne, représente ces amateurs anonymes qui après 1900, collectent par voie orale, littéraire ou souvent par les archives paroissiales, des témoignages sur les légendes locales... On les nomme ''folkloristes''; ils font partie de sociétés savantes et sont amenés à élargir leur recherche en empiétant sur l'Histoire...

Parallèlement et sans contact avec les précédents, l’université a développé avec prestige une discipline comme l'Histoire : discipline chargée d'un discours unificateur et moral sur le passé national ; lourde responsabilité en ces temps de conflit...

 

1914 : les historiens s'engagent à faire connaître les actuels ''crimes allemands'' en Belgique et dans le nord de la France... Ils se chargent d'expliquer comment les allemands se sont exclus de la civilisation et sont retournés à l'état de barbarie morale... Nous sommes dans la lignée d’Ernest Lavisse et d’Émile Durkheim...

Les historiens ''médiévistes'' ont dans le sein de la faculté une place d'excellence ; « ils apparaissent comme les détenteurs d’un savoir sur les origines de la nation qu’il faut désormais exhumer, approfondir et transmettre » ( Agnès Graceffa - Université de Lille  )..

 

La mobilisation, bien sûr, touche de façon importante les jeunes étudiants et chercheurs médiévistes.. En 1915, aucune thèse n’est soutenue à l’École des Chartes. Alors que le nombre moyen, avant-guerre, atteint presque la vingtaine, deux seules le sont en 1916. Les femmes sont devenues majoritaires, parmi les diplômés... Ferdinand Lot continue ses cours, même s'il est contraint parfois de les annuler faute d'auditeurs...

Ferdinand Lot (1866–1952) est un médiéviste de renommée internationale, chartiste, professeur à l’Ecole pratique des hautes études (EPHE) et en Sorbonne (1909), membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres (1924).

F. Lot est qualifié de non-conformiste... Il partage avec les étudiants les résultats de son travail, et réalise avec eux un authentique enseignement de recherches. Ouvert d'esprit, le maître ne craint pas de s'engager... A côté de ses recherches historiques, il publie dans les annales de Bretagne et consacre des études approfondies à la littérature arthurienne et à la question du Graal.

Pendant ces années, il travaille en collaboration avec son épouse à un ouvrage important sur le Lancelot-Graal, qui paraîtra en 1918...

En 1909, Ferdinand Lot a épousé une jeune fille née à Saint-Pétersbourg 27 ans plus tôt : Myrrha Borodine. Venue en France pour préparer une thèse sous la direction de Joseph Bédier, elle devient une spécialiste de la littérature courtoise du Moyen Age.

Le couple va beaucoup recevoir en leur domicile - 53 rue Boucicaut, à Fontenay-aux-Roses - en particulier bien-sûr des membres de la communauté russe ; mais aussi des étudiants, des amis... Et en cette fin d'année 1914, Ferdinand Lot et sa femme vont participer à la création d'une institution créée en janvier 1915 pour accueillir les réfugiés du nord de la France et de Belgique. Situé à quelques mètres de son domicile, le Refuge Franco-Belge fonctionnera jusqu'en 1919.

Des réfugiés belges à Paris en 1914

 

En effet, fuyant l'avance allemande, 1/5 de la population belge (entre 1.300.000 et 1.500.000 personnes) va trouver refuge à l’étranger.

Anne-Laure est au courant de l'engagement de son amie Edith Wharton, l'écrivaine met à profit sa fortune pour aider les réfugiés à Paris...

Est-ce par le biais du refuge franco-belge directement, ou par l'intermédiaire d'une prise de contact du père Degoué, avec F. Lot sur le ''Lancelot''... ? Anne-Laure de Sallembier va recevoir à Fléchigné plusieurs familles belges, qui permettront d'ailleurs de continuer les travaux de la ferme, malgré l'absence des mobilisés...

Également, la région ouvre plusieurs hôpitaux de réserve, et beaucoup de femmes viendront y donner un coup de main, jour et nuit...

 

Savoir qu'un professeur d'université, un érudit, comme M. Ferdinand Lot s'intéresse à la Légende arthurienne, permet d'expliquer que la question n'est pas seulement d'ordre folklorique... D'ailleurs c'est naturellement que l'importance du Graal va être comprise et étudiée sur le niveau spirituel par la femme du professeur F. Lot, Myrrha, de confession orthodoxe.

En 1909, année de son mariage, elle suit les cours de Joseph Bédier et travaille une thèse sur La femme dans l’œuvre de Chrétien de Troyes. Pendant la guerre, elle collabore aux Etudes sur le Lancelot en prose, qui sera publié par F. Lot en 1918...

La rencontre de l'abbé Degoué avec Myrrha Lot-Borodine (1882-1954), va être décisive pour la suite de notre Quête...

 

Myrrha Borodine, née à Saint-Pétersbourg est issue d'une famille russe intellectuelle. Elle s'intéresse à la littérature courtoise du Moyen-âge. Avec son mari, elle entre dans le ''Cycle Arthurien'', puis dans la « haute aventure » du Graal, et se voue à ce type d'études.

Avec Etienne Gilson, elle approfondit la mystique cistercienne et l'apport de Saint Bernard.

Gilson reprend la spiritualité de Bernard, et parle de l'Amour du Bien qui subsiste en nous malgré le ''péché'' ; bien sûr l'amour est d'abord imparfait, en particulier avant de connaître Dieu – Bernard de Clairvaux (1090–1153) identifie, « aimer » Dieu, à « penser » Dieu ... Cet apprentissage à connaître Dieu, conduit Myrrha à décrire un processus de restauration, qui prend en compte que l'homme est fait à « l'image et ressemblance » de Dieu ; l'humain est appelé à une « divinisation »...

Myrrha retrouve symboliquement cette quête du Divin, dans le ''service d'amour '' courtois de la Dame... La Quête revient à chercher le secret de l'Amour ; et au Moyen-âge – et c'est très important - le signe ou symbole est réalité substantielle...

La table d'argent sur laquelle est posée le Saint Graal, est le symbole de la liturgie eucharistique

 

- Myrrha, comment en êtes-vous arrivée à La Quête... ?

- Il y eut pour moi le Moyen-âge énorme et magnifique: le roman courtois qui passionna ma jeunesse. Ensuite à l'âge de la maturité, l 'épopée mystique du Graal, quête des suprêmes valeurs par l'âme médiévales. Puis les études sur la spiritualité gréco-orientale s’imposèrent à moi durant de longues années. 

- Vous êtiez croyante... ?

- J'avais abandonné longtemps avant mon mariage toute pratique religieuse dans mon Eglise-mère

Mais, la Quête, m'amène à chercher et préciser les éléments fondateurs de la foi chrétienne.

- Quel élément, par exemple, vous permet de joindre le Graal à la foi chrétienne ?

- et bien … La Theosis chez les Pères grecs... C'est à dire cet appel de l'homme à rechercher le divin : on peut le nommer divinisation ou déification...

Recherche signifie aussi erreurs... Les leçons d'Etienne Gilson ou de Paul Alphandéry (1875-1932, historien et spécialiste du christianisme médiéval ) m'ont questionnée sur les dérives, les erreurs qui peuvent facilement se propager dans une religion

( sources : Ma mère, Myrrha Lot-Borodine. De Marianne Mahn-Lot )

 

Myrrha Borodine, sans rejeter l'apport celtique, fait du Graal un élément chrétien. Pour elle, les valeurs propres des deux civilisation sont foncièrement dissemblables ; et c'est le fond de l'argumentation de ses critiques folkloristes...

Il s'agit donc pour Myrrha de découvrir le sens d'une œuvre portant l'empreinte du génie médiéval fécondé par l'Église...

Pour cela, il faut tenter de comprendre la nature particulière du symbolisme au moyen âge, qu'elle rapproche à quelque chose que l'on connaît aujourd’hui : la spiritualité liée à patristique de l'Orient chrétien...

Le ''signe qui s'offre aux sens '' est une réalité substantielle exprimant l'essence même de la chose représentée. Le signe opère ce qu'il est, ou, le signe réalise ce qu'il symbolise... La réalité spirituelle se substitue au signe ; c'est ce qui s'exprime dans la transsubstantiation...

 

Un tel symbolisme, ne peut pas s'imposer, il nécessite de la part de celui ou celle qui veut en faire l’expérience, une libre création et nécessite « l'approfondissement des plans successifs sur lesquels il se projette tour à tour déclenchant le mouvement des « similitudes et senefiances », si chères aux auteurs des diverses versions de la Légende du Graal... » Aussi, faut-il admettre un symbolisme à plusieurs dimensions, qui monte de l'image au conceptuel et finit par embrasser la totalité des phénomènes s'offrant à un œil intérieur.

Toutes ces ''figures'' qui nuancent les vérités, tissent la Légende du Graal...

Légende, qui fait revivre le Mythe chrétien « par une méthode d'introspection intuitive (Einfühlung) adhérant au sujet en pleine et compréhensive sympathie. » Par exemple, nous pouvons dire que ce paysage est triste, au lieu de dire qu'il nous rend triste... ''Einfühlung'', introduit en philosophie en 1873, vient des romantiques allemands ( Robert Vischer (1847-1933), Theodor Lipps ); on le retrouve également dans l'empathie....

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L'Histoire de Lancelot, du pays de Passais -6- La Légende arthurienne

Publié le par Régis Vétillard

Il semble qu'il ait existé des récits antérieurs, puisque presque simultanément nous retrouvons le personnage de Lancelot, chez un autre auteur, Ulrich Von Zatzikowen, avec le '' Lanzelet ''..

Ulrich von Zatzikhoven mit Brille

Là aussi, nous avons une idée pour expliquer l'unicité des sources du même personnage... Ulrich von Zatzikhoven, prétend tenir le modèle et l'intrigue d'un modèle anglo-normand... Ce serait , en effet, un chevalier venu d'Angleterre, Hugues de Morville, qui les lui aurait soumis...

 

De retour de croisade, le duc Léopold V de Babenberg capture Richard 1er... Le roi d’Angleterre est ensuite prisonnier de l’empereur Henri VI au château de Trifels du 21 décembre 1192 au 4 février 1194. L’empereur le libère, échangé contre d'autres otages et un premier versement, en février 1194. Parmi ces otages : Hugues de Morville lord de Burgh-by-Sands. La vieille histoire de Lancelot se trouvait dans les bagages du baron d’origine normande, possiblement apparenté aux grands connétables d’Ecosse.

Le Roi Arthur et Lancelot

 

Revenons à la figure de Lancelot, personnage important de la Légende arthurienne. Il semble inconnu des récits anciens gallois, et du Brut de Wace ( 1155) - (Ce roman dédié à la reine d’Angleterre Aliénor d'Aquitaine relate l’histoire de l’ancêtre qu'il dit supposé du roi Henri II Plantagenêt, Arthur.)

Chez nous, il apparaît avec Chrétien de Troyes, dans Erec, et surtout dans le ''Chevalier à la Charette '' (vers 1170). Le thème ( en particulier son amour pour la reine Guenièvre...) lui est fourni par la Comtesse de Champagne ( fille de Louis VII et d'Aliénor d'Aquitaine)... Elle devait connaître cette histoire de la tradition des lais et des romans gallois ou anglo-normands antérieurs à l’œuvre de Chrétien...

D'ailleurs, nous l'avons vu, le personnage est déjà connu dans le Lanzelet d'Ulrich von Zatzikhoven. Et nous en apprenons un peu plus, à savoir : la dame du lac ( une ondine versée en magie...) emporte Lancelot enfant dans son pays marin « où elle règne sur dix mille dames dont aucune n'a vu d'homme ni connu son étreinte. »... La fée avait un projet : comme elle savait qu'il serait un chevalier sans pareil, et elle le destinait à délivrer son fils Mabuz de son puissant ennemi et voisin, le géant Iweret de Dodone. Lanzelet est élevé dans le pays de féerie. A l'âge de quinze ans, la fée lui apprend que le moment est venu pour lui de revenir dans le monde des mortels...

Son origine est gauloise, ses parents règnent sur une province de Gaule... Son nom qui fait donc référence à la Lance, évoque plus le monde celtique, que le monde romain.

Il devient au XIIIe siècle (1215-1235), le héros principal du '' Lancelot en prose '' ( ou Le Lancelot-Graal ).. Écrit en langue romane par un (ou plusieurs) auteur(s) anonyme(s), le récit s'étoffe: on lui donne une famille, un royaume, ainsi qu'une descendance et de nombreuses péripéties. Viviane est la fée marraine de Lancelot qui a enlevé l'enfant à ses parents pour l'emmener dans son royaume sous les eaux...

Lancelot et Guenièvre

 

Lancelot, le meilleur chevalier du monde, aurait pu être celui qui reprend le royaume d'Arthur et son épée, qui accomplit la Quête du Graal ( son premier nom est Galaad...)... S'il n'y avait pas adultère... !

Lancelot est fidèle à Guenièvre, à qui il doit d'avoir été fait chevalier... Guenièvre dans le monde celtique représente la souveraineté ; et c'est lui qui la sauve quand elle est enlevée par Méléagant. C'est en son nom qu'il se montre vainqueur dans tous les combats ; aussi, en concurrence avec le roi ; il se montre donc en égal ! Invincible ? Non... Lancelot est trompé par plusieurs femmes : Morgane, la Dame de Malehaut, la fille du Roi Pêcheur qui prenant l'apparence de Guenièvre devient la mère de son fils Galaad...

Lancelot - personnage complexe, héros ( presque parfait..) trop humain - prend conscience de son échec... Il reste un étranger, et rejoint la figure de l'ermite, en se retirant dans un monastère...

Lancelot est la maître du Passage, il lève les enchantements et libère celles et ceux qui en sont prisonniers, passent les frontière de l'autre-monde, finalement il quitte la chevalerie pour l'ermitage... Lancelot est attaché à la Lance. A Perceval (ou Galaad) est attribué le Graal ( du moins comme gardien)...

Ce rapprochement, dans la construction légendaire du chevalier Lancelot avec l'ermite Saint-Fraimbault de Lassay ; bien-sûr est récente ( relevée et argumentée, aujourd'hui, par Georges Bertin) et m'interpelle fortement, puisque si on relève que le choix du prénom du fils d’Anne-Laure de Sallembier - Lancelot, donc - rappelle cette Quête du Graal commencée il y a bien longtemps, comme on peut le lire ici... Cette Quête rencontre fortuitement plusieurs indices importants - autour du trèfle - comme des signes favorables...

- A Fléchigné, au-dessus d'une fenêtre, près de l'entrée principale du logis, on remarque un blason, sculpté avec bande et en chef et en pointe un trèfle.

Et sur le linteau de la porte est sculpté un triangle dominé par la figure d'un trèfle ( photos ci-dessous).

- Lancelot est représenté dans notre jeu de cartes ordinaire, comme étant le valet de trèfle...

- A l'Eglise de Saint-Fraimbault-de-Lassay, sur un mur extérieur, on peut voir la dalle funéraire présumée de l'ermite, portant la Coupe et le Trèfle...

 

A Fléchigné...

Où Lancelot découvre son nom: et, c'est précisément au détour d'une pierre tombale...

Voici ce qui est raconté dans la Vulgate, et en particulier le Lancelot : c'est lors de l'épisode de la ''Douloureuse garde'' que les habitants étant libérés des démons par le ''Blanc Chevalier'', le conduisent au milieu du cimetière où se trouve une dalle. Il y est gravé que le conquérant du château sera le seul à pouvoir la soulever et qu’il y trouvera son nom. Le Blanc Chevalier soulève facilement la dalle et lit cette inscription : « Ci reposera Lancelot du Lac, le fils au roi Ban de Benoïc ». Le Chevalier a désormais un nom et un blason.

Pour Lancelot ''de Fléchigné'', ce temps de retrait occasionné par la Grande Guerre, lui permet de s'identifier à Lancelot de Benoïc ; par cet éloignement des attitudes glorieuses partagées alors par une élite - comme la mère de Perceval, l'éloigne de la vaine gloire des chevaliers dont ont déjà été victimes son père et ses frères, et le retient en forêt, ou – comme le fils du roi Ban de Benoïc est soustrait à la guerre par la Dame du Lac... De plus, si Lancelot découvre son nom au dos d'une pierre tombale, le fils d'Anne-Laure va acquérir la maturité pour comprendre la réalité, l’ampleur de la Quête, et le lien qui l'unit à elle ...

 

C'est ainsi, que l'abbé Degoué, va s'emparer intellectuellement et religieusement du contenu de la légende du Graal; et préparer Lancelot à affronter ce nouveau monde qu'ouvre la fin de la Grande Guerre, et la continuer en ce siècle...

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L'Histoire de Lancelot, du pays de Passais -5- La Légende arthurienne

Publié le par Régis Vétillard

Pour nous, lecteurs, c'est au XIIe siècle que tout commence... C'est le temps de la transcription des légendes arthuriennes.. Elles deviennent mythes ( avec le Graal...), parce qu'elles sont l'expression mystérieuse d'une ''foi'' en ce temps là.... Je dis ''légendes'', parce qu'elles s'appuient sur des personnages, sur des lieux, qui ont laissé des traces...Il suffit de se promener autour de chez soi, pour rencontrer leurs sépultures, les localités, ou les châteaux où ils ont vécu, les chapelles ou églises qu'ils ont fondé...etc

Quand un lieu incarne une histoire qui vient de loin dans le temps, cette histoire devient une légende... Il ne s'agit pas ici de croyance, mais de l'aptitude à ressentir en soi, l'action d'une symbolique qui s'exprime à travers des images, des histoires, de la musique, de la peinture ...etc

 

L'ermite est une figure essentielle dans les récits autour des chevaliers de la Table Ronde. Il peut être lui-même un ancien chevalier ; il fournit l'accueil spirituel, le logis et même une formation...

Perceval, après son échec au château du Roi Pêcheur, alors que cinq années ont passé pendant lesquelles il s'est illustré par des exploits chevaleresques, semble avoir oublié, sa quête, Dieu et la religion... Perceval rencontre sur son chemin, trois chevaliers et dix dames qui portent le capuchon et marchent pieds nus, en acte de pénitence, ils lui apprennent que ce jour est le Vendredi Saint, et lui reprochent sa conduite... Enfin, ils lui indiquent comment aller chez un ermite.

Perceval décide de se repentir de ses péchés et va chez l'ermite... Il apprend qu'il est son oncle et que le roi Pêcheur est également son oncle et que le Saint Graal qu’il a vu dans le château contient l’hostie que l’on sert au père du roi Pêcheur depuis 12 ans et que c’est à cause de la douleur qu’il a donnée à sa mère, qu’il n’a rien demandé au sujet du Graal: là est son péché...

L'ermite lui enseigne à faire pénitence, à aimer et croire en Dieu, à honorer les hommes et les femmes d’honneur ; à secourir les filles, les veuves et les orphelins en difficulté ; et aujourd'hui, à déjeuner comme lui, et se préparer pour communier, le jour de Pâques...

 

Lors des aventures de Lancelot, la rencontre avec l'ermite ponctuent les épisodes... L'ermite est un chevalier âgé ; il lui donne de judicieux conseils pour prévoir la suite... Blessé, l'ermite du Plessis le soigne...
L'ermite n'hésite pas à se présenter pour faire des reproches, il prophétise... La figure de l'ermite va remplacer celle de Merlin. A côté de la forêt comme lieu des démons, du désert, de l'initiation; il y a la fontaine liée à l'ermitage, qui apporte la guérison...

Je pense à la fin du parcours de Lancelot, quand délaissé par Guenièvre, il fuit dans la forêt, devient homme-sauvage; puis, conduit à la repentance, s'isole jusqu'à la fin de ses jours...

Lassay est donc le lieu où s'établit Fraimbault, devenu ermite, au VIe siècle...

 

Fraimbault de Lassay ( Frambaldus de Laceio) dont le nom signifie littéralement le lancier du lac ( De fram baldo: le porteur de framée, lance de jet chez les germains.) (fram = la lance, baldo = porter, laceio = le lac)...

L'eau est dans cette histoire un élément important ; on la retrouvera dans l'image du trèfle ( en cartomancie, en alchimie, le trèfle évoque les esprits des eaux... )...

« certains cabalistes ont prétendu reconnaître dans les cartes, les esprits des quatre éléments. Les carreaux sont les salamandres, les cœurs sont les sylphes, les trèfles les ondins, et les piques les gnomes. » le dictionnaire infernal de Collin de Plancy 1863.

Dans les jeux de cartes, le Valet de trèfle, porte le nom de Lancelot. En cartomancie, le valet de trèfle peut annoncer une rencontre amoureuse ''embarrassante''..

 

Le personnage de Lancelot, apparaît en littérature sous la plume de Chrétien de Troyes, vers 1168 dans "Le chevalier à la charrette"...

Lancelot du Lac, le meilleur chevalier du Monde, fils de Ban de Banoïc, dont le château est entouré d'eau et de marais, est né aux'' marches'' de Gaule et de Petite Bretagne... On le retrouve, vers 1223, dans le roman en prose ''le Lancelot-Graal'' : une œuvre de référence, sans cesse adaptée jusqu'à nos jours (avec la version de Malory).

Selon la légende arthurienne, Lancelot est de la lignée de Joseph d'Arimathie, premier détenteur du Graal...

Georges Bertin, à la suite de René Bansard et de J.-Ch. Payen, relève une source d'inspiration probable pour Chrétien de Troyes, dans les récits qui entourent la vie de saint Fraimbault de Lassay.

Le chevalier sans nom, qui a pour patronyme, son attribut la lance ; nous ramène à Fraimbault de Lassay, (Frambaldus de Laceio ) ou le porteur de lance du lac... Tous deux sont issus de famille noble, et coupent le lien familial... Tous deux vivent l'initiation, par une mise en retrait chez la Dame du Lac, ou le monastère... Tous deux sont associés au conte de ''la Charette''... et tous deux finiront leurs jours comme moine...

La charrette des morts – dans les traditions locales - renvoie à celle qui vient de l’autre monde et que nul ne peut apercevoir sans mourir... La charrette des condamnés, également, est le symbole de la dégradation publique. Chrétien de Troyes nous l’explique, et décrit ce véhicule comme une marque d’opprobre, et... le moyen de parvenir dans l’au-delà. Lancelot demande au nain qui conduit la charrette infâme s’il n’a pas vu passer la reine... Le nain pour retrouver la reine, l'invite à monter dans la charrette... Lancelot hésite entre son '' honneur '' et son devoir de sauver la reine qu’il n’a jamais vue. Et, Lancelot devient le “ Chevalier de la charrette ” qui indique la dégradation, subie volontairement, et qui lui porte ombrage, même vis à vis de la Reine qu'il sauve pourtant... Gauvain, lui, refuse résolument de monter sur la charrette d’infamie...

Fraimbault, lui aussi fils d'un puissant, s’enfuit du palais paternel pour entrer au couvent. Son père le fait rechercher, et réfugié à Ivry-sur-Seine, il se terre dans une grotte, qu’une subite inondation du fleuve proche rend inaccessible.

Beaucoup plus tard, le saint doit charrier des pierres pour la construction d’une église, il demande à un charretier de l’aider au transport ; l’homme lui répond qu’il transporte déjà un mort dans sa charrette. En arrivant à destination, le charretier a la surprise de trouver son propre maître, mort au fond du véhicule, et revient supplier saint Fraimbault de rendre la vie au cadavre.

Cette charrette des morts, nous renvoie à celle qui vient de l’autre monde et que nul ne peut apercevoir sans mourir...

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L'Histoire de Lancelot, du pays de Passais -4- Saint-Fraimbault de Lassay

Publié le par Régis Vétillard

Le Passais, une région entre Normandie et Maine au sud de Domfront, est le lieu du début de cette histoire. ''passus'' signifie précisément ''passage'' ( je parlais aussi de ''passage'' pour ce temps Ve, VI e siècle..) ; nous sommes entre Normandie et Bretagne, pays de marches dit-on, la ''Marche '' d'un pays à un autre …

Et, curieux hasard... - mais, il n'y a pas de hasard – Fraimbault vient précisément de la ''Haute Marche'' nord du Limousin et nord de l'Auvergne... Je rappelle qu'un ancêtre de Lancelot de Fléchigné, est Roger de Laron, seigneur templier du nord-Limousin...

L'évêque du Mans, fait appel à des ermites pour christianiser cette région isolée, faite de collines et de landes, ce lieu de passage donc...

Saint Fraimbault ( Saint Frambourg chez les Francs) naît vers 500 ; son père gouverne une région correspondant à l'Auvergne pour le roi Clovis... De famille noble et riche, il est préparé pour briller à la cour royale... Il rompt avec sa famille, et devient tel un chevalier errant, animé d'une quête spirituelle, il choisit la solitude boisée du Passais...

Lassay est l'un des lieux où s'établit Fraimbault, devenu ermite, au VIe siècle... Mort en 570, il est enterré dans son monastère de Lassay.

On a identifié la pierre tombale de Saint Fraimbault, à une pierre intégrée dans un angle de la façade nord de l’église de Saint-Fraimbault-de-Lassay (pierre tombale mérovingienne de réemploi portant trèfle et graal)... De nombreux miracles eurent lieu sur son tombeau et les foules de pèlerins n'ont cessé d’affluer jusqu’à la fin du VIe siècle...

 

Le roi franc Clotaire ( un autre fils de Clovis) va réunifier le royaume des Francs ; scandaleux, sacrilège et meurtrier, on a vu qu'à la fin de sa vie il recherche la compagnie des saints, en particulier l'ermite Fraimbault... Et, peut être grâce à Radegonde, l'une et préférée de ses épouses, qui ayant fui la cour royale et s'est installée à Poitiers où elle a fondé l’abbaye Sainte-Croix de Poitiers, dont elle est devenue simple religieuse. 

 

Grégoire le Grand (540-604) est fonctionnaire, préfet de la ville de Rome, il abandonne ses fonctions pour devenir moine... Mais, on le choisit comme pape, il proteste … Il va fixer la liturgie, réformer la discipline ecclésiastique, propager l'ordre bénédictin, envoyer des missionnaires, et encourager ainsi les bénédictins à faire œuvre civilisatrice...

De vieux mondes s'éteignent, au profit d'un monde nouveau , fondé sur une manière commune de penser, et de vivre... Une nouvelle civilisation s'élabore...

Boniface de Mayence (680-754), christianise les germains, et pourfend la religion païenne ; il sera assassiné... Il ne manque pas également de combattre ceux qui voudraient se servir de la nouvelle religion pour asseoir leur pouvoir...

Selon le propre témoignage de Boniface : à l'intérieur de l'Eglise règnent, la concussion, la simonie, les pratiques les moins avouables... Les évêques doivent leur existence à la ''générosité'' des puissants... Il cite Aldebert (vers 730) comme imposteur et hérétique qui élève des églises en son honneur, distribue des reliques personnelles ( cheveux, ongles...). Le Scot Clément ( vers 745), prêtre et faux évêque, hérétique et concubinaire ; Milon évêque de Trèves et de Reins, grand chasseur et jouisseur ; Gewiliob, évêque de Mayence, assassin....

Charles Martel (688-741), franc et ''maire du palais'' ( sorte d'intendant du roi) détient la réalité du pouvoir. Pépin le bref (714-768) dépose le roi, et ''acclamé'' reçoit l'investiture de Roi des Francs par le pape...

 

Vers l'an mil, c'est l'épouse d'Hugues Capet (~940-996), reine des Francs, fille du comte de Poitiers et duc d'Aquitaine, petite-fille du chef viking Rollon... Adélaïde d'Aquitaine, qui demande que le corps de Saint Fraimbault soit transporté à Senlis ( son chef est conservé à Lassay), dans la chapelle royale; Senlis où Hugues Capet est acclamé et proclamé Roi en 987, pour contribuer à la prospérité de la famille royale...

 

Au XIIe siècle, Aliénor d'Aquitaine, d'abord comme reine de France puis comme souveraine anglo-normande, et après elle sa fille, Marie de Champagne vont poursuivre la dévotion... St Fraimbault a alors la même notoriété que Saint-Denis. En 1177 à Senlis, avec Louis VII, ont lieu les ostensions solennelles des reliques de St Fraimbault...

Henri II Plantagenêt et Aliénor d'Aquitaine font de fréquents séjours à Domfront, où naît leur fille Aliénor de Castille, en 1161... La cour d'Aliénor, puis de Marie de Champagne s'entourent des meilleurs écrivains dont Chrétien de Troyes, qui aurait transcrit en vers courtois l'histoire du Saint...

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L'Histoire de Lancelot, du pays de Passais -3- Le temps des ermites

Publié le par Régis Vétillard

Cette histoire commence au temps du '' Passage '' … Le passage du temps des cultes celtes ou gallo-romains, aux cérémonies chrétiennes... Dès le VIe siècle, des saints ermites remplacent les druides les magiciens.

La forêt est vivante : elle accueille les ermites mais aussi les travailleurs du bois. C’est une zone de ramassage du bois mort, de coupes mais aussi d’élevage des porcs, des bovins et des chevaux.

C’est l’évêque du Mans qui, au VIe s., confie à Ernier la mission d’évangéliser le Passais en compagnie de Bômer et Fraimbault.

 

Le père Degoué tenter de répertorier les ermites à l'origine de l'évangélisation de la région. Il faut commencer par noter que les moines-ermite ne restent pas longtemps isolés, ils fondent une chapelle et attirent les paysans ( pagani=païens) par leurs vertus et leur pratique de la prière; ensuite ils visitent les néophytes, forment les catéchumènes, bénissent les sépultures... Et, une communauté s’installe, préfigurant la paroisse....

Ainsi, au VIe siècle, Ernier s’installe à Ceaucé, Auvieu à Mantilly. Dans la seconde moitié du VIIe siècle, Céneri s’installe dans la vallée de la Sarthe, Évremond en forêt d’Écouves et Évroul en forêt d’Ouche. Et, pour ce qui nous concerne ici, il s'agit de Saint-Fraimbault, né vers 500...

 

Rechercher des renseignements sur ces ''saints'', c'est se confronter à des récits merveilleux, ou du moins naïfs...

- Et, cela ne vous gène pas, mon père, dans vos recherches... ? Demande, Anne-Laure...

- Les ''légendes'' sont des récits à lire ( legenda), si nous les intégrons dans nos liturgies ce n'est pas pour leur valeur historique... Tenez ; puisque vous me parliez de votre ancêtre limousin Roger de Laron ; et bien nous pouvons douter que Saint-Martial qui vécut au IIIe siècle et premier évêque de Limoges - n'est-ce pas... ? - ait été selon la légende, l'enfant que Jésus montra digne du royaume des cieux et qui lui présenta la corbeille à la multiplication des pains...

Ce qui m'intéresse, c'est qu'à une place donnée, un temps donné, un personnage a été l'objet d'un culte... Comme on dit, rien ne peut lui disputer cette ''niche''... et surtout, dans notre recherche, la Légende appartient à notre sujet...

- On peut donc mêler le sérieux de la foi, et la légende... ?

- Il est rare que l'on ne quitte la légende, sans profit.... Vous le savez bien … !

 

Il est curieux d'ailleurs de se rendre compte que les légendes qui vous intéressent, comme celle du Roi Arthur ou Artus, utilisent un matériau qui date de cette période de passage... Artus a pu être ce roi semi-légendaire du Ve et VIe siècle, celte et gallois, il tente de prendre la tête de clans contre les conquérants anglo-saxons. Il périt dans cette lutte, mais son corps n'est pas retrouvé... Il reste son histoire, celle d'une cour brillante en son château de Caerléon, ou Camalot... Le roi qui participe à douze batailles, est blessé par trahison, mais est transporté dans l'île d'Avalon auprès de la fée Argante...

 

La Comtesse de Sallembier goûte à quel point son abbé s'est imprégné de la légende arthurienne....

- Mais, à part la période , il n'y a pas de rapport entre nos ermites et les chevaliers de la Table Ronde... !

- En êtes-vous si sûre... ? Il me semble, pourtant, que nous empruntions le même chemin.... Je vous assure.., soyez patiente.

Au cours de ces temps qui nous paraissent obscurs, et sans-doute assez déstabilisants, l'Eglise représente un roc de sécurité; et à l'intérieur de l'Eglise, l'institution monastique...

Nos ermites ont suivi l'exemple de Martin de Tours (316-397), ancien soldat, c'est lui qui a introduit le monachisme en Gaule. Résolu de se faire ermite, il a refusé la prêtrise et recherché la solitude qu'il a trouvé à Ligugé ( près de Poitiers). Il est rejoint par des disciples et son exemple est contagieux...

Saint-Benoît de Nursie (480-547) fonde l'ordre des bénédictins, et institue une ''règle'', base du monachisme occidental.

 

En ce ''Haut Moyen-âge'', peu de moines sont ordonnés, la célébration de la messe n'est pas la tâche propre des moines; et n'est pas journalière... Un moine peut être désigné par l'abbé pour l'ordination, sous la condition de n'être pas ''travaillé par la vaine gloire''... Il n'y a pas une seule manière de célébrer la liturgie, elles sont nombreuses en occident ( gallicane, ambrosienne, mozarabe, celtique, lyonnaise, romaine...)...

 

Radegonde (520-587), princesse, est la cinquième et avant-dernière épouse du roi franc, Clotaire, fils de Clovis... Radegonde, catholique, éprouve du dégoût pour la violence de son mari qui assassine ses plus proches ; et décide de prendre le voile et le cloître... Elle s’installe à Poitiers et fonde deux monastères...

Après avoir en vain essayé de récupérer son épouse, Clotaire soutient les fondations de Radegonde... Il va même rechercher la compagnie des saints ermites... Dans les dernières années de son règne, alors qu’il va guerroyer contre Chramme, Clotaire s’arrête auprès de Fraimbault installé dans une forêt du Maine. Cette halte montre que le roi le connaissait déjà de réputation. Au retour, il passe par les mêmes lieux, et annonce à Fraimbault qu’il lui fait don du domaine de Javron, au nord de l’actuel département de la Mayenne.

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L'Histoire de Lancelot, du pays de Passais -2-

Publié le par Régis Vétillard

En ce début du XXe siècle, Anne-Laure ne connaît pas l'existence de ces histoires... Je rappelle que cette histoire de Lancelot que connaît Anne-Laure depuis son enfance, provient du '' Lanzelet '' , écrit à la fin du XIIe siècle par un poète de Suisse alémanique, Ulrich von Zatzikhoven. Il prétend tenir son intrigue d'un chevalier venu d'Angleterre, Hugues de Morville, qui lui aurait soumis ce modèle : un modèle anglo-normand.

En effet, en décembre 1193, Aliénor a réuni la rançon de Richard et part pour l'Allemagne, accompagnée des otages dont Hugues de Morville et ce fameux ''Welchez Buch''... Et, de ce motif, Ulrich von Zatzikowen, poète souabe, en fera le Lanzelet.

Dans ce roman, Lanzelet poursuit Valerîn, ravisseur de Guenièvre, et libère celle-ci, mais il n'est à aucun moment l'amant de la reine... Ulrich se référerait donc à un état de la légende antérieur à l'œuvre de Chrétien, où le rapt de la femme d'Arthur ne donnerait pas encore lieu à des développements de type courtois. Cette histoire d'enlèvement, participe d'un genre littéraire, celui de l'aithed celtique...

 

L’église du hameau a bénéficié pendant longtemps de la présence d'un vicaire, et même de sa résidence surplace... Le manoir de Fléchigné, à la sortie du hameau comprenait un corps de ferme, entourée des terres de la propriété... Il était à l'écart, et semblait isolé de la fureur du monde....

 

Depuis quelques années, ce vieux prêtre - que nous appellerons Charles Degoué - s'est laissé prendre par la passion de l'histoire locale ; peut-être a t-il voulu suivre les traces de Ferdinand Gaugain,  Alphonse-Victor Angot, eux-mêmes prêtres et historiens mayennais... ?

L'abbé Degoué est fasciné par les hérésies médiévales, et le moyen-âge en général... Erudit, curieux de tout, il a développé une spiritualité assez marginale, qui lui a valu - sans-doute - d'être oublié par ses supérieurs dans cette petite localité...

Une bénédiction pour Anne-Laure et Lancelot... Il trouve au manoir de Fléchigné des oreilles attentives à tout ce qu'il peut rapporter de ses lectures et recherches ; au point d'en négliger la pastorale …

Son âge ne lui permettant plus d'être mobilisé - il est d'ailleurs handicapé d'un pied bot - il va passer beaucoup de temps à Fléchigné, et s'obliger à continuer l'instruction de Lancelot, pendant ces quatre années de guerre... Quatre années hors du temps …

 

L'abbé Degoué est très intéressé par la Quête d'Anne-Laure : Elle lui raconte - documents à l'appui tout ce qu'elle sait des recherches de ses aïeux... L'abbé découvre les origines, l'histoire, les méandres et la philosophie qui entourent la légende arthurienne. Anne-Laure illustre ses propos de ses rencontres, et en particulier au cours de ses voyages en Allemagne et au Royaume Uni.

Le prêtre est heureux de découvrir à quel point le Moyen-âge a exploité le thème du Graal ; et comment il éclaire une manière de comprendre le Monde qui nous échappe aujourd'hui.

Non seulement le prêtre est enthousiaste ; mais il ressent fortement que l'histoire même de cette région, que ces temps troublés et cette retraite, peuvent encore apporter à la poursuite de la Quête.... Cet enthousiasme va être un bienfait pour Anne-Laure, et l'apprentissage de Lancelot.

 

Le domaine de Fléchigné domine les bocages. A l'arrière, c'est le domaine de la forêt, composée essentiellement de feuillus comme le chêne rouvre, et aussi de châtaignier et de bouleaux. En bas, près du village coule un affluent de la Mayenne...

Le corps de ferme en carré, s'organise autour du logis, et la vie est tournée sur la cour intérieure...

La ferme couvre 50 arpents, à peu près... et le domaine comprend aussi une forêt, des étangs..

Au-dessus d'une fenêtre, près de l'entrée principale du logis, on remarque le blason : d'argent( blanc) à la bande de gueules (rouge), accompagnée en chef et en pointe d'un trèfle ( de sinople). Et sur le linteau de la porte est sculpté un triangle dominé par la figure d'un trèfle.

 

 

Précisément, les couleurs ont été recherchées et précisées par le Père Degoué... En effet, c'est lui qui s'étonna du trèfle sur le blason, et fit quelques recherches essentielles...

 

Ce que l'on rapportait, ici, de la signification du trèfle : c'est qu'il rappelait, pensait-on, une évidence : nous sommes dans une ferme ; ensuite, il rappelait le choix du lieu du à l'abondance du fourrage, enfin sa caractéristique agreste, isolée, écartée du hameau...

Le père Degoué, ajoute spontanément, ce à quoi il pense en premier : le trèfle rappelle l’affirmation essentielle de la foi chrétienne : la Trinité, trois en Un...

D'autres aspects vont encore apparaître …. Mais, il nous faut avancer lentement, même si mes commentaires vont s’enchaîner beaucoup plus rapidement que les événements de la Grande Guerre...

Sources: Nous ferons référence, plus en avant de ces articles, aux travaux et articles de Georges Bertin...

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L'Histoire de Lancelot, du pays de Passais -1-

Publié le par Régis Vétillard

Je rappelle que, Anne-Laure, est l'unique héritière d'une riche famille de négociants qui a fait fortune dans le commerce des tissus au long du XIXe siècle. Elle a épousé le Comte de Sallembier, aristocrate – de trente ans de plus qu'elle - qui après une vie de célibataire longue et épicurienne, a su (?) monnayer son titre … Le 10 Décembre 1900, elle met au monde un fils, qu'elle appelle Lancelot... Quelques années après son mariage, Georges de Sallembier, meurt subitement d’une fièvre typhoïde, à Paris...

 

Anne-Laure de Sallembier ignore encore, la relation qu'entretiennent sa famille, la propriété de Fléchigné qu'elle possède de sa mère ; avec la figure du chevalier Lancelot... Même - et c'est incroyable - si comme nous le savons bien, la légende arthurienne est au coeur de cette Quête familiale....

 

Précisément - et c'est sans-doute une manière d'approcher ce mystère - ... Connaissant les goûts d'Anne-Laure, pour le Moyen-âge, Monsieur de Sallembier, a présenté sa jeune épouse à un étrange personnage: Hélie de Talleyrand-Périgord (1859-1937), lui-même passionné par la période médiévale et descendant ( par dignité...) - affirme t-il – d'un chevalier - Richard du Hommet (†1179) - qui dit-on aurait pu être le modèle du chevalier Lanzelet (et, un conte de l'enfance d'Anne-Laure..), de la légende arthurienne... !

D'ailleurs, la Société des antiquaires de Normandie ( fondée en 1824), aidée de spécialistes aurait localisé le texte d'Ulrich von Zatzikhoven, grâce aux toponymes qu’il mentionne, dans le pays des Morville-Limors... Le lieu de la première aventure de Lancelot, serait le nom d’un bois du Cotentin, situé au sud de leurs terres.

 

Aujourd'hui, nous pouvons entendre lors de randonnées sur ces terres, raconter certaines légendes où se croisent le roi Arthur, les fées, les lutins, et les génies de la forêt.… Il s'agit du Mortainais: à la fin des années 1050, Guillaume le Conquérant met son demi-frère Robert de Mortain, en qui il a toute confiance, à la tête du comté de Mortain. Avec le comté de Domfront, limitrophe, ils furent démembrés, à l'époque de saint-Louis (1235)...

Pour ce qui est de Lancelot, on dit qu'Hélène, sa mère, qui vit mourir son mari et enlevé son fils, prendra le voile dans une Blanche Abbaye de nonains, comparable à celle que fonda à Mortain, en Cotentin, le demi-frère du Conquérant.

Abbaye de Blanchelande

Il s'agirait de l'abbaye de Blanchelande, qui se trouve près de La Haye-du-Puits ( Cotentin) , au milieu de la forêt de Limors.

Le conte de Limors apparaît dans le Conte ''Erec et Enide'' ( vers 1170) de Chrétien de Troyes ; récit courtois où Erec partage sa quête chevaleresque avec sa femme ; non sans quelques difficultés... Limors tente de s'emparer d'Enide, alors qu'Érec, laissé pour mort, est amené dans le château du comte de Limors. ...

Et le château de Blanche Lande est évoqué dans le Roman de Tristan et Iseut, (chap 16 ( J Bédier)) : la reine Iseut, le roi Marc, toute sa mesnie, tous ses écuyers et tous ses veneurs quittent Tintagel pour s’établir au château de la Blanche-Lande …

De fait, l'Abbaye de Blanchelande, reconstruite, que nous pouvons voir, fut fondée en 1154 par le baron de La Haye-du-Puits, et elle fut un site religieux important au Moyen-Âge,

 

Enfin, à sept kilomètres à l’ouest de Domfront, en direction de Mortain, à la sortie du village de Rouellé, une petite route sur la droite mène au site de la « Fosse Arthour ».

La rivière, écumant sur les rochers qui encombrent son lit, se fraye un parcours dans le bois. Le chemin qui la borde mène au gouffre où selon la légende, le roi Arthur et la reine Guenièvre furent engloutis.

« Arthur s’était établi avec sa femme en ces lieux sauvages. Le génie du ruisseau qui traverse l’endroit l’avait séparé de la reine en enjoignant à celle-ci de se tenir sur l’autre rive : Arthur n’avait le droit de rejoindre son épouse qu’après le coucher du soleil : un jour, il contrevint  à cet interdit et voulut traverser le gué avant le soir, mais il fut précipité dans un gouffre et la reine se suicida aussitôt par désespoir. Toutefois, ni l’un ni l’autre ne sont tout à fait morts : ils gisent en état de dormition dans les cavernes inaccessibles que l’on appelle la Chambre du roi et la chambre de la reine (...). »

(Hippolyte Sauvage, in Recueil des Légendes normandes par divers auteurs, Domfront, 1872, n° 19, p.3.)

A suivre...

 

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Fin d'un monde – samedi 1er août 1914 -3-

Publié le par Perceval

« La vie est suspendue, haletante, bouleversée. On est là impuissant devant le jeu variable et monstrueux de la fatalité (...) Maintenant, nous voilà tous jetés dans une angoisse quotidienne et que chaque heure, chaque nouvelle avive » lettre d'Anna de Noailles à Mme Bulteau juillet 1914

1914 - Le lycée Janson de Sailly - chambre de blessés

Dès la fin de l'été 1914, une vie nouvelle s'est installée dans Paris, de nombreuses vitrines fermées, une vie au ralenti, et les premières restrictions... Beaucoup assurent que ce ne sera pas long ; qu'il faut tenter de reprendre la vie quotidienne, avec les femmes pour remplacer les hommes, et les plus âgés reprenant du service... Ainsi au lycée Janson de Sailly de Lancelot, bien qu'une partie des bâtiments soit transformée en annexe d'hôpital, on annonce pouvoir maintenir des cours...

Anne-Laure se propose comme aide-infirmière ; elle croise la célèbre Colette, devenue veilleuse de nuit au lycée... L'une et l'autre n'y resteront pas longtemps: les armes "modernes", grenades, obus, causent d'affreuses blessures: arrachements de membres, gueules cassées..

 

«Le Printemps appartient à ceux qui lui ressemblent,
Aux corps adolescents animés par l’orgueil,
À ceux dont le plaisir, le rire, le bel œil
Ignorent qu’on vieillit, qu’on regrette et qu’on tremble.

Ils avaient vingt ans, l’âge où l’on ne meurt jamais…» Anna de Noailles

 

Anne-Laure ressent une impuissance et ce qu'elle qualifie de démence difficile à supporter...

 

« Comment vivre à présent? Tout être est solitaire,

        Les morts ont tué les vivants,

Leur innombrable poids m'attire sous la terre.

        Pourquoi sont-ils passés devant? » Anna de Noailles, dans "Les Forces Eternelles''

Le gaste pays...

Anne-Laure, avant l'hiver prend la décision de rejoindre Fléchigné avec Lancelot. Précisément, elle fuit la capitale, elle fuit la guerre ; prise d'une sorte de panique, en particulier à la pensée de voir son fils, qui n'a que quatorze ans, devoir partir à la guerre... Elle veut le protéger à tout prix, et refuse d'entendre tout appel patriotique au sacrifice...

La Dame du Lac enlevant Lancelot..

Anne-Laure de Sallembier va se soustraire à ce qui rythmait jusqu'à présent son quotidien, le calendrier mondain.

Lancelot, quitte le lycée un peu après qu'il se soit lié avec un camarade de classe, Julien Green, que sa mère appelle Julian. Sa mère vient de mourir subitement ( déc. 1914). Ce décès l'a frappé; il se souvient très bien de la panique de Julien, confronté à l'évidence d'une présence aimante quotidienne qui disparait à tout jamais... Lancelot ne reverra Julien Green, que beaucoup plus tard.

C'est reclus, à l'abri des de la guerre , que vivront la mère et son fils, entourés des personnels et fermiers qui animent la vie agricole des terres de Fléchigné...

Perceval jeune, éloigné par sa mère, des dangers de la Chevalerie... 

 

Hiver 1914 : Anne-Laure avec son fils ont rejoint Fléchigné ; elle se dit qu'ils seront loin de cette absurde actualité ; elle espère que ce sera pour peu de temps...

Mais tout, autour d'elle, lui rappelle cette crise : l'absence des hommes... Les paysans sont partis en masse, laissant là les moissons en cours... L'instituteur et le médecin ne sont plus là. Puis très vite, le maire ou les gendarmes ont commencé d'annoncer de triste nouvelles. On voit arriver des réfugiés du nord de la France, et des belges... Des bâtiments publics servent d'hôpital... On dit que dans les villes, les femmes travaillent dans les usines à la place des hommes, et que le ravitaillement est difficile.

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Fin d'un monde – samedi 1er août 1914 -2-

Publié le par Perceval

« La lutte engagée contre l'Allemagne est la lutte même de la civilisation contre la barbarie », lance, le 8 août 1914 devant des académiciens, le philosophe Henri Bergson... Son discours est résolument anti-allemand. Il affirme accomplir là un « simple devoir scientifique en signalant dans la brutalité et le cynisme de l'Allemagne, dans son mépris de toute justice et de toute vérité une régression à l'état sauvage ».

L'offensive allemande est rapide, choquante en ce que l'Allemagne viole la neutralité de la Belgique, détruit des monuments comme la bibliothèque universitaire de Louvain et les cathédrales de Reims et de Malines.... On évoque aussi diverses atrocités bien réelles commises en Belgique...

Pourtant, daté du 4 octobre 1914, est publié en Allemagne, un appel des intellectuels allemands aux nations civilisées : 93 intellectuels allemands évoquent les héros allemands de la philosophie, de la musique, de la littérature, et retournent contre leurs adversaires français et anglais l'accusation de barbarie en dénonçant les "actes de cruauté" sur le front de leurs troupes coloniales "non civilisées". « Nous protestons contre les mensonges et les calomnies dont nos ennemis tentent de salir la juste et noble cause de l'Allemagne dans la terrible lutte qui nous a été imposée et qui ne menace rien moins que notre existence »...

Romain Rolland, Prix Nobel en 1915, dénonce la guerre dans Au-dessus de la mêlée ( sept 1914). Il écrit à Stefan Zweig, avec qui il correspond durant tout le conflit : « Que deviendra le monde après qu'auront passé ces cyclones de haine ? » Et bien sûr, pour tous les belligérants, Dieu est de leur côté...

 

J.B. fait partie de la réserve de l'armée d'active... Il est affecté dans la cavalerie, où il retrouve beaucoup de mobilisés issus de l'aristocratie... La cavalerie coopère aux attaques de l'infanterie, elle couvre son déploiement et la protège contre les surprises... C'est lors d'une guerre de mouvement qu'elle joue le mieux son rôle...

Beaucoup sont sous-officiers ou officiers; l'esprit est à la communion dans des valeurs traditionnelles, et se considèrent comme les lointains héritiers de la chevalerie ; ce que J.B. n'avait pas manqué de développer avec Lancelot ...

Après l'échec de la guerre de mouvement, la cavalerie désœuvrée fournit de nombreux pilotes... Les cavaliers deviennent '' chevaliers du ciel ''… Jusqu'à présent les généraux, envisageaient le ''plus léger que l'air'' ( ballons, dirigeables...) comme possible pour des missions d'observation ; mais, le ''plus lourd que l'air'' utilisé en engin de guerre, devait rester cantonné aux romans de Jules Verne... Pourtant, très vite, l'efficacité de l'aéroplane va le rendre indispensable, pour l'observation d'abord ; et le combat, ensuite...

Très vite les combats aériens spectaculaires, et surtout la composition sociologique des aviateurs, vont amener à les comparer à des héros, comme Georges Guynemer, mort le 11 septembre 1917 à l’âge de 22 ans, comparé dans la presse à : « un preux issu des profondeurs de la race française où s’allient si splendidement ensemble le patriotisme et la foi. Charlemagne l’aurait fait asseoir à côté de Roland... » ; et Henry Bordeaux écrit : « Roland a été l’exemple des chevaliers d’autrefois. Guynemer devra être l’exemple des Français de maintenant, et tous tâcheront de l’imiter et se souviendront de lui, comme on s’est souvenu de Roland. »

Ce texte de '' La chanson de Roland '', ( XIe siècle) est lu aux élèves de l'Ecole Primaire ; texte publié en 1903, et dédié à « l'armée Nationale »...

Toujours en l'honneur de Guynemer : « Ce fut, avant tout, un volontaire, tout rayonnant, lui aussi, de belle énergie intérieure, passionné du devoir, presque mystique, âme de chevalier croisé, chevauchant la plus moderne des montures, aimant la France avec frénésie, son beau pays, dont toutes les harmonieuses qualités jaillissaient en lui. » ( Le Journal, 11 septembre 1919)

Parmi ces aviateurs, beaucoup d'entre eux, seront les ''derniers héritiers d'un monde auquel la guerre de 1914 portera un coup fatal'' ; comme Jacques Boulenger, qui écrivait lui-même :  « Nous nous étions fait dans notre petit groupe une sorte d'idéal d'humanisme élégant, de « dandysme » cultivé : on se réunissait au bar, et il ne s'agissait pas d'ignorer plus la mode des chapeaux de femmes que les hypothèses sur l'auteur des miniatures des Heures du duc de Berry. Le souvenir de Jean de Tinan régnait, le charmant P.-J. Toulet triomphait; ... on citait Catulle, on se battait en duel, on revenait toujours d'Italie, on inventait des cocktails, on discutait sur des points de langage »

Entré à l'École des Chartes à dix-sept ans Boulenger, a fait brillamment la guerre comme aviateur... Spécialiste de Rabelais, il est connu pour avoir écrit une adaptation des Romans de la Table Ronde...

Dandy, réactionnaire, Boulenger commet également des textes antisémites... !

Ainsi, Jean-Baptiste de Vassy, promu sous-lieutenant en décembre dans les Dragons, passe dans l’aviation en avril 1915, comme observateur … Il passe son brevet de pilote, puis vole sur le Farman F.40 ( baptisé Horace), un biplan monomoteur construit en bois et toile; quand il est abattu, au printemps 1916... !

La famille de J.B., puis Anne-Laure, apprennent sa disparition au-dessus des lignes ennemies...

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