La domination du capitalisme est aussi spirituelle.
Jung Mo Sung (Docteur en théologie et économiste) : voir article « La Vie » , reprend un thème cher à la théologie de la libération :
Congrès Continental de Théologie du 7 au 11 octobre 2012 à Sao Leopoldo |
Le capitalisme colonise l’espace, y compris dans le champ spirituel. Même les pays de tradition culturelle millénaire, qu’ils soient bouddhistes, hindouistes ou confucianistes en Extrême Orient, sont en train d’adopter des modes de vie occidentaux.
Un des concepts théologiques fondamentaux de la Bible est l’idolâtrie. Toutes les
sociétés produisent des dieux qui sont l’oeuvre d’actions et d’interactions humaines qui ont été sacralisées. Les prophètes ont perçu et critiqué ce processus. L’idole fascine et attire.
Le néolibéralisme présente une logique idolâtrique à travers la fascination de nos sociétés pour les lois du marché, un système qui serait censé imposer et réguler seul ses
règles. Face à cette dimension fascinante du capitalisme global actuel, il ne suffit pas de critiquer. Il faut démontrer le processus sacrificiel qu’il engendre (perte de l’emploi, délitement de
la vie de famille, voire mort des plus pauvres…) pour se défaire de cette fascination qui nous aveugle. La théologie a une mission importante à accomplir dans la société pour dénoncer cette
nouvelle fascination.
M. Meaudin ( Faculté de théologie,
Université de Montréal, ). établit une comparaison entre l'idéologie du néo-libéralisme et une religion de type sacrificielle.
L'orientation néo-libérale
actuelle de l'économie semble, en effet, la donnée fondamentale qui explique le remodelage de notre société. Or, loin d'être un domaine neutre et objectif et échappant à tout choix de valeur et
de foi, l'économie de marché comporte un horizon métaphysique, une religion propre avec un discours interprétatif quasi théologique : M.M. entend détecter et qualifier ces aspects religieux, à
savoir l'idolâtrie et le sacrifice qui caractérisent le néolibéralisme actuel
La question centrale aujourd'hui en Amérique Latine n'est pas la question de l'athéisme, le problème ontologique de l'existence ou non de Dieu
[...]. La question centrale est l'idolâtrie, l'adoration des fausses divinités du système de domination. [...] La foi dans le Dieu libérateur, celui qui révèle son visage et son secret dans la
lutte des pauvres contre l'oppression, s'accomplit nécessairement dans la négation des fausses divinités...La foi se tourne contre l'idolâtrie. (« La lutte des dieux. Les idoles de
l'oppression et la recherche du Dieu libérateur», 1982)
Selon Hugo Assmann ( « L'idolatrie du marché. Essai sur l'économie et la théologie » 1989) , c'est dans la théologie implicite du paradigme économique lui-même, et dans la pratique dévotionnelle fétichiste quotidienne que se manifeste la "religion économique" capitaliste. Les concepts explicitement religieux qu'on trouve dans la littérature du "christianisme de marché" - par exemple, dans les discours de Ronald Reagan, dans les écrits des courants religieux néo-conservateurs, ou dans les oeuvres des "théologiens de l'entreprise" comme Michael Novack - n'ont qu'une fonction complémentaire. La théologie du marché, depuis Malthus jusqu'au dernier document de la Banque Mondiale, est une théologie férocement sacrificielle: elle exige des pauvres qu'ils offrent leur vie sur l'autel des idoles économiques. Sacrifices humains au nom de contraintes "objectives", "scientifiques", profanes, apparemment non-religieuses.
Dans un ouvrage plus récent, « Ethique de la Vie » (2000), Leonardo Boff esquisse un parallèle entre l’injustice socio-économique et politique, conséquence de la violence contre les travailleurs et les classes subalternes, et l’injustice environnementale, qu’est la violence contre la nature, l’air, l’eau, qui menace de mort toute la biosphère. Leur origine commune est le paradigme capitaliste occidental, qui trouve son expression actuelle dans le néo-libéralisme et dans la « religion du capital », la religion du fétichisme de la marchandise, avec ses temples (les banques), son clergé (les financiers), ses dogmes et sa théologie (formulée par les économistes).
La mort d’espèces entières et de millions de personnes dans les pays pauvres sont, pour l’idéologie dominante, « les sacrifices nécessaires pour la croissance économique qui possibilité la réalisation du désir de consommation illimitée ». La tâche de la théologie c’est de critiquer l’idolâtrie du marché et le mythe du progrès, qui exigent et justifient les sacrifices de vies humaines et de l’environnement naturel. ( cf : SUNG, Jung Mo. Sementes de esperança. A fé em um mundo em crise. Petrópolis: Vozes, 2000. )