1900 - Les salons artistes et mondains -4- le Mercure de France
La revue s'inscrit dans la lignée du couple improbable que forment Marguerite Eymery dite, Rachilde (1860-1953) et Alfred Valette (1858-1935). Le rayonnement de Rachilde avec ses réceptions du mardi, contribue à la réussite de l’entreprise de presse puis de publication...
Femme et ''homme de lettres'', on la nomme la '' reine des décadents'' ou ''Madame Baudelaire''...
Elle tient salon, selon le mot de Paul Valéry, sur un « pandémonium de fumeurs » dans un lieu « rouge sombre » - au 26 rue de Condé… Elle y reçoit es écrivains et poètes comme Jules Renard, Maurice Barrès, Pierre Louÿs, Émile Verhaeren, Paul Verlaine, Jean Moréas, Paul et Victor Margueritte, Francis Carco, André Gide, Catulle Mendès, Léo d'Orfer (Marius Pouget), Natalie Clifford Barney, Henry Bataille, Guillaume Apollinaire, Alfred Jarry, Léon Bloy, Remy de Gourmont, Joris-Karl Huysmans, l'astronome Camille Flammarion, Stéphane Mallarmé, Henry Gauthier-Villars dit « Willy », Jean Lorrain, Laurent Tailhade, Louis Dumur et Oscar Wilde....
Léon Paul Fargue « Ces réunions célestes avaient lieu à la fin de la journée. Au bout d’une heure, le petit salon était devenu une tabagie. L’air y était épais comme une miche. On se voyait à peine. Les grands personnages y semblaient peints sur un fond de brouillard, comme les génies du Titien ou de Rubens, au point que Vallette fut un jour tout à fait obligé d’acheter un appareil à absorber la fumée. Il nous fut alors possible de voir nos grandes personnes, autrement que dans les formes de fantômes : Remy de Gourmont […], Henri de Régnier […], Valéry, tout en traits vigoureux et en nerfs, la moustache en pointe, déjà maître d’une conversation qui cloquait d’idées ; Marcel Schwob, plein de lettres et de grimoires […], Pierre Louÿs, qui avait un des plus jolis visages de l’époque […], Alfred Jarry, […], Paul Fort […], Jean Lorrain, […] aux yeux poilus et liquides […], les mains baguées des carcans, des ganglions et des cabochons de l’époque […], Jean de Tinan, Philippe Berthelot, Édouard Julia et tant d’autres, ceinturés dès la porte d’un coup de lasso par le grand rire de Rachilde! »
En 1878, alors qu'elle travaille comme journaliste pour '' L'école des Femmes '', et qu'elle pratique l'occultisme ; elle prend le nom d'un gentilhomme dont elle rapporte la parole comme médium : un gentilhomme suédois du seizième siècle, Rachilde....
En 1884, elle publie '' Monsieur Vénus '' qui lui vaut une condamnation en Belgique pour pornographie …
Un an après elle devient une des rares femmes à obtenir un permis de la préfecture de la police pour s'habiller comme un « homme », compte-tenu de sa profession de journaliste...
Rachilde rencontre Vallette au bal Bullier en 1885... Elle fréquente les cafés à la mode, le Chat Noir et le Café du Soleil d’or, où elle gifle Moréas qui a osé déclarer : « Victor Hugo est un con ». Tailhade, Victor et Paul Margueritte, Jules Renard et Verlaine, sont déjà ses amis... Elle sort d'une passion malheureuse pour le poète Catulle Mendès...
Vallette confie à Jules Renard, qui retranscrit ses paroles dans son Journal : « Rachilde et moi, nous nous emboîtons bien cérébralement. Nous sommes égaux […], c’est une femme d’un esprit vraiment hors ligne... »
Le 12 juin 1889, Laurent Tailhade, est le témoin du mariage de Rachilde avec Alfred Vallette. Nous connaissons déjà M. Tailhade.... En 1897, il a une liaison avec Anne Osmont (1872-1953), traductrice, poète et romancière française qui publie au Mercure. Elle est une des plus grandes occultistes du début du vingtième siècle. Etrange liaison, entre une ésotériste et un polémiste anarchiste de droite...
Je reviens au salon de Vallette et de sa femme Rachilde, qui reçoit aussi beaucoup les femmes ; comme épouses, Mme Berthelot ou Mme Jane Catulle Mendès (1867-1965)..., ou comme femmes du monde telle Anne-Laure..., et surtout comme femmes de lettres : la poétesse Lucie Delarue-Mardrus, également Liane de Pougy (1869-1950), et même la journaliste militante Séverine (1855-1929). Oui, ici, se mêlent dreyfusards et anti-dreyfusard, plutôt patriotes, plutôt conservateurs jusqu'à anarchistes de droite...