Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Le juif errant: Ahasvérus d'Edgar Quinet

Publié le par Perceval

Les positivistes tiennent Quinet pour un idéaliste embrumé et mystique ; et, la critique catholique fait de ce pourfendeur des jésuites, un athée … ! En fait, Quinet a une pensée religieuse libre, ennemie du cléricalisme... Il se veut le prophète d'une religion affranchie de l'intolérance et du parti-pris, qui associerait les « cultes frères...dans la Cité promise »

La Compagnie de Jésus

 

Avec Michelet, il dénonce publiquement en 1843 « l’esprit de mort » de la compagnie de Jésus et prêche pour une Révolution, faisant naître des mobilisations de leurs étudiants au Collège de France. Ils sont dès lors tous deux suspendus du Collège de France. La Révolution de 1848 leur rouvre les portes du Collège de France. Mais Edgar Quinet préfère se faire élire député de l’Ain à la Constituante, puis à la Législative. Il s’oppose aux décisions visant à protéger le pape face aux troupes patriotes de Garibaldi, et en tant que républicain, il s’exile après le coup d’Etat de Napoléon III et la proclamation du Troisième Empire le 2 décembre 1852.

Edgar Quinet (1803-1875)

Commence alors la période de l’exil en Belgique, puis en Suisse, pendant laquelle il produit alors de nombreux ouvrages politiques, critiquant l’héritage de la Révolution responsable des échecs des Ière et IIème Républiques. A la proclamation de la Troisième République, en 1870, il se fait élire représentant de Paris en février 1871. Il rédige en 1872 La République et en 1874 L’Esprit nouveau. Jusqu’à sa mort le 27 mars 1875, il s'oppose au projet de Thiers d’une « République sans républicains ».

 

Auparavant, c'est la figure du '' juif errant '' qui a retenu son attention, avec une épopée en prose '' Ahasvérus'' (1833)

« chaque lieu de la nature, chaque moment de la durée ayant son génie propre, représente la Divinité sous une face particulière ; […] il n’est pas un point égaré dans l’espace ou le temps, qui ne figure pour quelque chose dans la révélation toujours croissante de l’Éternel. […] La terre enfante véritablement son dieu dans le travail des âges. » ( E. Quinet - Du Génie des religions, 1842 )

 

Ahasvérus

Wilhelm August Lebrecht Amberg

Cette œuvre, se présente comme un « mystère » (médiéval), avec une succession de tableaux, une succession chronologique d'épisodes majeurs qui ponctuent les rapports de Dieu et des hommes. Le prologue et l'épilogue se situent hors des temps historiques, et encadrent quatre journées qui correspondent chacune à une période ou un événement clef.

 

Dans le prologue, 3500 ans après le Jugement dernier ( la fin du monde) – la création (mauvaise) a été détruite et avant d'en créer une autre..., les archanges jouent, devant Dieu et ses saints, une pièce qui représente l’histoire du monde passé.

Le héros sera le Juif Errant et, après un rappel de l’aventure humaine depuis les origines, sur l’Himalaya, on suit les pérégrinations d’Ahasvérus, condamné à ne jamais mourir...

 

La première journée «  La Création » s’étend de la Genèse à la Nativité et s’attarde longuement au début sur la relation qui unit à Dieu les êtres primitifs, monstres : dialogue de quatre monstres de l’Orient : le Serpent, Léviathan, le Poisson Macar et l’Oiseau Vinateyna ; puis, on entend le chœur des Géants et des Titans , et l’Océan qui renâcle à l’idée d’être chargé d’anéantir la terre par le déluge.

La deuxième journée, « La Passion », introduit la légende du Juif errant : Jésus gravit l'âpre sentier qui mène au Golgotha, et, chancelant sous sa croix, il implore l'assistance d'Ahascerus, qui le repousse. Le Christ le maudit, et le condamne à marcher toujours plus avant. Il commence alors son errance jusqu’à assister à l’invasion des Barbares du Nord.

<-- Chacun meurt à son tour. Et moi je vis toujours. Le Juif errant G. Doré -1862

La troisième journée, « La Mort », se déroule au Moyen-Age et confronte Ahasvérus à deux personnages féminins antithétiques : Mob, figure cynique de la mort qui raille tout amour et toute croyance, et Rachel, ange banni du Ciel pour avoir éprouvé de la compassion pour Ahasvérus : changé en femme, il est condamné à devenir sa compagne à jamais... C’est elle qui aide le Juif errant à comprendre le sens de sa mission et le prépare à affronter « le Jugement dernier ». Rachel fait monter jusqu'au ciel un cri de miséricorde... Nous sommes arrivés à la dernière limite du temps présent.

La quatrième journée, « le jugement dernier », s’ouvre sur le jugement de l’Océan et se clôt sur celui d’Ahasvérus, consacrant par cet encadrement la superposition de ces deux figures dans l’affirmation d’un perpétuel dépassement de soi.

L'amour entre Rachel et Ahasvérus, vaut au maudit son pardon, et le couple s’élance alors à la conquête d’« étoiles inconnues », symbole de l’humanité qui progresse sans fin

L’épilogue enfin annonce la mort de Dieu, et du Christ : pour donner naissance à « un nouvel Adam ».

Le juif errant traverse les mers, les rivières, les ruisseaux - G. Doré

Dans la perspective de la conversion finale de Satan, image de la fin de l’histoire, Merlin l’Enchanteur récapitulera semblablement les temps et les dieux ; à l’occasion, on rencontre même : Ossian ; Psyché converse avec le roi Artus, Merlin et la fée Viviane consolent « le bon Encelade » enseveli sous l’Etna… Avec Ahasvérus et Merlin, Quinet nous donne une sorte de mythologie de l’histoire universelle. 

A suivre : avec l'histoire d' Ahasvérus et Rachel

Commenter cet article