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Le Limousin au XVIIIe s – Histoire et Légendes -3 Les Places

Publié le par Perceval

Château des Places aujourd'hui ( Creuse, près de Crozant)

Le comte de la Marche, invite ses hôtes au Château des Places.

Il faut suivre le chemin de Saint-Sébastien, après être passé au pont du diable ( dont on va parler un peu plus tard...).

 

Une première construction date du XVe siècle, elle est transformée à la fin du 17e ou au début du 18e siècle par l’adjonction de deux tours circulaires coiffées d’un petit dôme à lanternon.

Après son père, Gabriel Foucault – capitaine des armées royales – s'y retira avec sa noble épouse Marie Desprez.

 

Quand Sylvain de la Marche, devient propriétaire de la seigneurie en 1786, il élabore un projet de château neuf : corps de bâtiment d’un étage carré et un demi-étage en attique, flanqué de deux avant-corps en pavillons. ( Les pierres préparées pour ces travaux seront dérobées au cours des années mouvementées de la Révolution : restituées, elles seront employées pour la construction de la petite habitation moderne.)

Ce serait peut-être Gabriel Foucault qui fit élever la chapelle dédiée à Notre-Dame de Pitié, en 1686, à la suite d'un vœu fait par lui en un jour de douloureuse mémoire...

Voici ce que Sylvain Attale de La Marche en dit, à ses invités :

 

Non loin du château, au hameau de Sainte-Foy, existait une chapelle à côté d'une '' bonne fontaine''. Au-dessus de l'autel de cet oratoire était placée une statue de l'Auguste Mère de Dieu, tenant sur ses genoux le corps inanimé de son divin fils et connue sous le nom de Notre-Dame de pitié...

En 1573, une bande de huguenots dévastaient les églises. Au premier signal d'alarme, la statue fut enlevée et cachée au vieux château des Places... La Chapelle fut détruite …

Un siècle plus tard, on retrouve par miracle, la statue intacte, dans des décombres du vieux manoir... La nouvelle se répand, et c'est alors une explosion de piété... autour de la statue...

Vers la fin du XVIIe siècle, un jour, une jeune fille d'un des hameaux de la paroisse vient ici en pèlerinage... Blanche, c'est son nom, se hâte ensuite de reprendre le chemin de la maison paternelle...

Le châtelain ( donc, sans-doute, un Foucaud de Saint-Gerrnain-Beaupré), revient de la chasse, et aperçoit la jeune fille … Poussé par une passion brutale, il a le malheur, d'exposer, par son insistance, la vertueuse bergère à se noyer dans la Sedelle...

La mort tragique de cette pauvre enfant inspire un repentir salutaire au libertin qui, pour expier sa faute, fait bâtir en l’honneur de la Reine des vierges la chapelle des Places, tout près du manoir...

 

Le 8 septembre 1689, la Chapelle des Places est consacrée à Marie...

Depuis ce triste événement, racontent encore les anciens de la localité, appuyés sur les témoignages de leurs pères, Blanche apparaît régulièrement chaque année à la même fête du 8 septembre.

Dès que les premiers rayons du soleil...font étinceler de mille feux les vitraux de la chapelle, on la voit se dégager des nuages et se fixer sur la pierre de la fontaine.

Enveloppée dans les plis d'une manteline qui ressemble à un linceul, les cheveux en désordre, comme le jour où elle gisait sans vie sur la rive, elle agite dans les airs un voile d'une éblouissante blancheur...

Cet inconcevable miracle...ne se renouvellera plus après 1793, quand la chapelle fut interdite au public.

Cependant en 1862, l'abbé Paul Ratier, écrit que la chapelle existe encore, qu'elle est entretenue avec soin, et toujours fréquentée, à toutes les fêtes de la bonne Dame, par de fervents pèlerins.

On raconte alors, que pendant la Révolution, la statue de la Vierge a été menacée de profanation, et sauvée par le courage d'une femme.

« Déjà les émissaires de la Convention avaient pénétré dans la chapelle, les échelles étaient dressées et leurs mains sacrilèges allaient saisir la sainte image, lorsqu'une femme de service au château s'élance au-devant d'eux... une hache à la main : « Malheureux ! s'écrie-t-elle, que voulez-vous faire ? si vous touchez à la Bonne Dame, je vous coupe les jarrets. » A ces mots, ces fanatiques saisis d'un indicible et mystérieux effroi, furent comme frappés de vertige.

Le lendemain, la Vierge était portée en lieu sûr pour être soustraite à la fureur de quelques nouveaux vandales de la révolution... » ( Abbé Rouzier, 1897)

 

Il me reste encore à vous conter la légende qui entoure le Pont Charraud, surnommé le Pont du Diable ...

Pont-Charraud.

Tout le monde, ici, connaît la légende de ce pont, surnommé le Pont du Diable :

C'était en 1602,les seigneurs de Crozant et des Places, voulant entretenir des relations amicales et suivies, résolurent de faire jeter un pont sur la Sédelle.

On choisit l'endroit le plus favorable à ce projet, et l'entreprise fut donnée à un ouvrier d'un hameau voisin. Le marché conclu, le bonhomme ne tarda pas à se repentir de son engagement.

A l'inspection plus attentive des lieux et des accidents de terrain, il s'aperçoit qu'il y a pour lui des difficultés inattendues, et que pour exécuter ce travail il lui faudrait le double du prix convenu.

Trois jours durant, il vint promener ses ennuis sur les bords de la rivière, en proie à la plus vive anxiété....

Le dernier jour, comme il approchait de ces Thermopyles d'un nouveau genre, l'esprit assiégé de mille pensées confuses, il aperçoit un étranger, debout, au milieu de flammes qui semblent sortir de terre.

(Je note que les Thermopyles sont dans l'antiquité grecque associées à une bataille, ce sont un étroit défilé d’une dizaine de mètres de large et un piège … )

L'honnête homme s'arrête, tremblant, un frisson glacial lui parcourt tous les membres :

«Tu parais triste, lui dit la voix troublante de l'inconnu. Je sais la cause de ton ennui, en lui montrant la rivière : tu voudrais bâtir ici un pont sur ce torrent, et tu comprends la difficulté de ton entreprise.

Cette construction, aux conditions que tu as acceptées, c'est la ruine pour ta maison...

Écoute moi, je peux bâtir le pont en un seul jour, ou une seule nuit : veux-tu accepter mes conditions ? »

Stupéfait, ahuri devant une telle proposition, le brave villageois répond avec une sorte d'inconscience, provoquée par un étonnement qui n'était surpassé que par la crainte'. « Parlez, seigneur, je vous écoute.» «Eh bien,reprend l'étranger, tu me donneras le premier fagot que tu lieras demain. » « Je vous le promets, répondit-il en tremblant ».

Il avait à peine achevé sa réponse, que le mystérieux personnage disparaît au milieu d'un tourbillon de fumée épaisse et pénétrante. Un peu revenu de sa frayeur, le bonhomme regagne à pas pressés son humble chaumière, comme soulagé d'un poids énorme.

Il se hâte de raconter à sa femme cette singulière aventure et la promesse qu'il a faite.

Intelligente et rusée, la jeune paysanne s'écrie, levant les bras vers le ciel :

« Qu'est-ce donc que tu m'as dit ? Malheureux ! Mais c'est le diable que tu as vu et qui t'as parlé ; il n'y a que 1'esprit malin, pour faire de semblables propositions et arracher à un sot une telle promesse. Mais tu n'as donc pas compris que le fagot fatal que tu dois livrer, c'est toi. Oui, c'est toi !...N'es-tu pas le premier fagot que tu lies le matin, attachant tes vêtements à ta ceinture ? »

Ces paroles si sensées de sa femme sont pour lui toute une révélation : il a compris le piège de l'ennemi du genre humain, un éclair de raison lui a traversé l'esprit, il sait le moyen de déjouer la ruse de son adversaire.

Le lendemain, à l'aube, le voyageur qui se serait égaré dans ces parages, aurait aperçu, non sans surprise, un homme dans un costume un peu primitif, la cognée à la main, coupant d'énormes branches d'arbres.

Il fait un fagot, le plus fourni et le plus beau des fagots, et le chargeant sur ses épaules, prend le chemin de la rivière.

O surprise ! O merveille ! un pont superbe, baigne coquettement ses pieds dans le torrent rapide.

A l'extrémité, apparaît soudain l'étranger de la veille, qui semble attendre sa proie avec une vive impatience.

Lentement, le brave paysan s'approche :

« Tu m'as demandé le premier fagot que je lierais ce matin, le voilà, dit-il en jetant le bois sur le pont. »

« Misérable, s'écrie le diable en fureur, tu m'as trompé ! » et dans sa rage de damné, il emporte et jette au loin la clef de voûte du pont merveilleux, qui ne fut remplacée que longtemps après, en 1695.

Ce pont est le seul bâti en pierre sur la Sédelle. »

Extrait de l' Abbé L. Rouzier, ''Histoire illustrée des châteaux de Crozant et des Places'', Limoges, 1897, pages 71, 72

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